Journal L’Humanité : tribune d’Oscar Lopez Goldaracena sur loi répressive dans l’Uruguay

Uruguay. La « restauration » de la droite

Mercredi 18 Novembre 2020

  1. Une tribune d’Oscar Lopez Goldaracena Juriste et avocat uruguayen, spécialisé en Droits Humains. Docteur en Droit et en Sciences Sociales. Écrivain. Ex-sénateur.

Quand les rhinocéros batifolaient avec les restes des casernes2

 En mars dernier, il y a eu un changement de gouvernement en Uruguay. La pandémie est arrivée quelques jours plus tard. Après quinze ans de centre gauche, uniques dans l’histoire politique du pays depuis 1830, l’Uruguay est retourné dans le passé.

Les gouvernements du Frente Amplio (Tabaré Vázquez,  2005 à 2010 et 2015 à 2020 et José Mujica, 2010 à 2015) ont généré des avancées dans le domaine des droits, le recul de la pauvreté, la distribution des richesses, la politique de genre, les mesures sociales, ainsi que dans le renforcement des entreprises publiques, des institutions républicaines et du développement  démocratique.

Bien que le Frente Amplio ait été le parti le plus voté lors des dernières élections générales (2019), il n’a pas atteint au premier tour les majorités requises pour gagner la présidentielle et il y a eu ballottage. Le second tour a été remporté par Lacalle Pou, du Parti Nacional, élu président jusqu’en février 2025. Le nouveau gouvernement est constitué par la droite associée à l’extrême droite et au militarisme. C’est  un retour vers le passé de tous les dangers pour l’Uruguay.

Dr.Oscar Lopez Goldaracena

Dans son empressement à chasser le Frente Amplio, juste avant le ballottage, l’opposition d’alors s’est unie derrière Lacalle Pou dans un but électoral. Sa matrice idéologique conservatrice a été occultée et, avec l’appui des grands médias audiovisuels attaquant en permanence le gouvernement du Frente Amplio et ses faiblesses, elle s’est présentée à l’élection en proposant un « changement ».

Le « changement », en réalité, était une « restauration », un rétablissement des privilèges. Il devait être maquillé et il fallait produire des slogans publicitaires. Le « changement » dont il était question était comparable à celui auquel aspire un nostalgique de la monarchie qui regrette l’époque de l’absolutisme des Bourbons.

Il suffit d’un exemple pour comprendre.

Peu avant le ballottage, le candidat Lacalle Pou annonça que, s’il accédait à la présidence, il présenterait un projet de loi d’urgence, mais il n’a jamais diffusé le contenu du projet avant l’élection. Ce type de projet de loi, prévu par la Constitution, doit être débattu dans un délai très court et si le parlement ne bloque pas, le projet est adopté. Une fois élu président, Lacalle Pou a présenté le contenu du projet : « la restauration conservatrice » ou plus exactement le cadre légal nécessaire pour assurer la restauration conservatrice et contenir les revendications soulevées par l’application d’une politique antisociale.

La loi d’urgence limite les droits et les garanties des citoyens au nom de la « sécurité publique » ; elle augmente les pouvoirs d’enquête et de répression dont dispose la police ; elle attribue le port d’armes aux policiers et aux militaires retraités ; elle accorde une immunité à la police en élargissant la définition de légitime défense supposée ; elle crée de nouveaux délits qui pénalisent la protestation sociale ; elle limite le droit de grève ; elle élimine les mécanismes financiers qui évitaient l’évasion fiscale des entreprises et qui garantissaient le salaire des travailleurs ainsi que le paiement des charges sociales ; elle réduit l’autonomie des entreprises publiques et de l’éducation ; elle ouvre le chemin aux privatisations, etc. 

De façon stratégique, le contenu de la loi d’urgence ne fut pas présenté aux citoyens avant les élections, afin d’éviter que le débat à ce sujet ne se révèle défavorable. La droite devait assurer la restauration conservatrice, ce pourquoi elle devait d’abord gagner les élections et chasser du gouvernement le Frente Amplio et les quinze années de progressisme.

Aujourd’hui, ce projet de loi d’urgence est devenu loi en Uruguay. Il a été voté pendant la pandémie de Covid-19 qui a rendu impossible la mobilisation populaire.

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Du point de vue sanitaire, la crise de la pandémie reste contenue en Uruguay, grâce à un système de santé universel et gratuit, implanté par les gouvernements précédents du Frente Amplio. De même, l’enseignement à distance et le télétravail qui ont permis de surmonter le confinement s’appuient sur une infrastructure de pointe en connectivité, elle aussi générée par les gouvernements précédents grâce à l’entreprise publique de télécommunications (Antel) et au très innovant Plan Ceibal qui attribue un ordinateur à chaque écolier. Le gouvernement actuel et les chaînes de télévision qui le soutiennent s’efforcent d’ignorer la robustesse que l’Uruguay avait atteinte avec les gouvernements de gauche et leur agenda de droits.

Face à la crise économique et sociale qui accompagne l’urgence sanitaire, la réponse du gouvernement a été et reste de faire porter le poids de la crise aux secteurs les plus vulnérables. Fidèle à sa marque de restauration néo-libérale, il réduit l’intervention de l’état. Il ne fait appel ni aux réserves financières, ni à la contribution des grandes fortunes. Il choisit de tout livrer au jeu du marché, avec les facteurs aggravants que sont la hausse des tarifs de services publics, la baisse des salaires, le démantèlement des politiques sociales, la suppression des repas dans les écoles, etc. En conséquence, le chômage et la pauvreté ont augmenté. On attribue la faute à la pandémie et aux gouvernements de gauche, alors qu’il s’agit au fond du retour au pouvoir des entreprises.

Le gouvernement réduit les droits et les garanties face à la répression policière,  tout en adoptant une politique de régression des droits économiques, sociaux et culturels, cohérente avec la philosophie de « restauration ». Il oublie que les droits économiques, sociaux et culturels imposent aux états l’obligation de « faire ». Le droit oblige à « adopter des mesures immédiates », jusqu’à la « limite des ressources disponibles » pour les mettre en œuvre. Pourtant, le nouveau gouvernement choisit de « laisser faire ». Le moteur de la nouvelle normalité, ce seront les entreprises.

Revenons au début. L’Uruguay est en train de retourner au passé mais en plus, il y a des associés peu recommandables.

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Il se trouve qu’a fait irruption dans la scène politique uruguayenne un parti minoritaire d’extrême droite, ultranationaliste et militariste, appelé « Cabildo Abierto ». Lacalle Pou l’a intégré, avant le ballottage, à la future coalition de gouvernement. Il n’y a pas eu en Uruguay de « barrière sanitaire » contre l’extrême droite. Au contraire, elle fait aujourd’hui partie du gouvernement.

Le porte-parole de ce groupe politique, le général retraité Manini Rios, sénateur, s’est lancé, depuis son siège de législateur et protégé par son immunité parlementaire, dans un téméraire discours ultranationaliste.

Il déploie une attaque constante contre les juges et les procureurs au sujet de l’avancement des dossiers judiciaires relatifs aux violations des droits humains intervenues pendant la dictature civico-militaire, période du terrorisme d’état (1973-85).

Plus précisément, il a déposé un projet de loi pour rétablir l’impunité pour les crimes contre l’humanité commis par des militaires. Il prétend réinstaller la « Loi de caducité », aujourd’hui abrogée et qui empêcha, pendant les vingt ans qui ont suivi le retour de la démocratie (1985-2005) de juger les disparitions forcées, les assassinats politiques et les tortures commis pendant le terrorisme d’état.

Il propose purement et simplement que l’Uruguay ignore les jugements de la Cour Interaméricaine des Droits Humains qui l’a condamné et qu’il tourne le dos au système de protection internationale des droits humains. Il a installé un discours ultra nationaliste contraire au droit international des droits humains qui porte atteinte à l’état de droit et à l’institution républicaine de l’Uruguay.

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Mais il y a plus à ce sujet.

Outre de permettre la défense de ses « ex-compagnons » accusés de tortures, meurtres et disparitions forcées, les attaques de Manini Ríos contre les procureurs et le pouvoir judiciaire ne sont pas fortuites. Il ne faut pas oublier que le sénateur Manini Ríos fait l’objet d’une demande d’inculpation de la part du procureur général pour un grave délit qu’il aurait commis avant d’assumer comme législateur, alors qu’il était commandant en chef de l’armée. Il est accusé, ni plus ni moins, de ne pas avoir dénoncé devant la justice des violations gravissimes des droits humains, tortures et disparitions forcées, commises par des militaires pendant la dictature dont il a pris connaissance dans le cadre d’un tribunal d’honneur de l’armée. Il a occulté les faits et ne les a pas dénoncés devant la justice.

Elu sénateur, il bénéficie désormais de l’immunité parlementaire. Il ne peut pas être jugé pour quelque délit que ce soit sans l’autorisation du Sénat. Le procureur a sollicité la levée de son immunité parlementaire et c’est le Sénat qui doit maintenant décider s’il laisse ou non agir le pouvoir judiciaire.

Au moment où j’écris ces lignes, la demande de levée d’immunité n’a pas encore été votée. Il est prévisible que les parlementaires de la coalition gouvernementale lui accordent l’impunité en ne votant pas la levée d’immunité. Il se trouve que Lacalle Pou a besoin des voix de l’extrême droite pour tout son projet conservateur, par exemple dans l’immédiat pour voter le budget.

Si le Sénat ne lève pas l’immunité, il apparaîtra alors aux yeux de tous que l’Uruguay est retourné dangereusement dans le passé, quand le pouvoir était entre les mains des militaires et que les « rhinocéros » broutaient les restes des casernes.

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Un gouvernement dirigé par des civils qui cherche à réinstaller un projet libéral, conservateur et restaurateur, ne se soucie pas de qui sont « ses associés « et intègre des ex-militaires d’extrême droite, nostalgiques et ultranationalistes, met en danger non seulement les droits conquis pendant quinze ans mais aussi la solidité de l’état de droit.

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La proposition de loi qui vise à ne plus juger les ex-militaires qui ont violé les droits humains et le discours qui l’accompagne sont à rejeter absolument. Cela doit être pris en compte et condamné pour que le gouvernement d’Uruguay ne cède pas à la pression de l’armée.

L’essentiel est que le droit n’admet pas d’impunités, de caducités, d’amnisties, de pardons ou de grâces, pour ceux qui ont commis des actes de barbarie sur une population civile, qualifiés de crimes contre l’humanité.

Les disparitions forcées, les assassinats politiques et la torture sont des crimes imprescriptibles dont le jugement est nécessaire et obligatoire.

A la fin de la dictature, lorsqu’on commençait à insinuer la possibilité de l’impunité, il a été rappelé que les violations des droits humains perpétrées constituaient des crimes contre l’humanité. Nous avertissions à l’époque que le droit limitait les options politiques et interdisait de renoncer à la justice, du fait de la nature des crimes commis. Malgré cela, l’Uruguay a adopté la »loi de caducité de la prétention punitive de l’état » qui pendant plusieurs dizaines d’années empêcha de juger des militaires et valut au pays d’être condamné par des organismes internationaux de droits humains.

Cette loi de caducité prévoyait que le pouvoir judiciaire devait consulter le pouvoir exécutif, au cas par cas, pour savoir si la prétention punitive de l’état, concernant l’affaire qu’on cherchait à juger était échue ou non. C’était donc le pouvoir exécutif qui en définitive décidait quels cas étaient jugés ou non. Pendant des décennies, les gouvernements au pouvoir (parti Nacional ou parti Colorado) ont empêché que l’on juge. C’était une violation flagrante du principe républicain de la séparation des pouvoirs.

Du fait de l’illégitimité de la loi de caducité et des « fenêtres » juridiques qu’offrait ladite loi, la justice a commencé à agir, très lentement. A partir de 2005 avec la victoire du Frente Amplio, le pouvoir exécutif n’a plus interféré et le pouvoir judiciaire a avancé. Plus tard, la Cour Interaméricaine des droits humains a condamné l’Uruguay a dispenser la justice. Enfin, la loi de caducité fut abrogée.

Le débat s’est alors installé au niveau des tribunaux, entre ceux qui soutenons que nous sommes face à des délits imprescriptibles, des crimes contre l’humanité,  et ceux qui affirment qu’il s’agit de crimes de droit commun, prescriptibles. Bien que les dictateurs et quelques militaires responsables aient été condamnés, la majorité des affaires sont encore en cours. Les disparus restent disparus, sans justice, sans vérité.

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En somme, l’Uruguay doit éviter de retourner dans le passé. D’un côté, la politique de vérité et justice pour les violations des droits humains n’admet pas l’alternative des caducités. D’un autre côté, l’agenda des droits n’admet pas la restauration néolibérale, car le droit lui-même oblige l’état à garantir le respect universel des droits économiques, sociaux et culturels.

Il est clair qu’en période de pandémie il en va de notre vie à tous, au sens strict. Aujourd’hui en Uruguay le système politique doit freiner la progression des virus ultranationalistes et d’extrême droite, parce qu’il en va de la vie de l’état de droit. Les parlementaires qui soutiennent le gouvernement sont encore à temps pour appliquer la « barrière sanitaire » à leurs associés minoritaires et laisser agir la justice, en votant la levée de l’immunité parlementaire de Manini.

Le gouvernement est aussi encore à temps pour corriger sa trajectoire et renoncer à la restauration conservatrice. Le bien commun exige des politiques d’état qui rentrent dans le cadre interdépendant et indivisible des droits humains dont la matrice, aujourd’hui, n’est pas la référence.

1 Juriste et avocat uruguayen, spécialisé en Droits Humains. Docteur en Droit et en Sciences Sociales. Ecrivain. Ex-sénateur.

  1. Le 30 novembre 1980, eut lieu en Uruguay un référendum convoqué par la dictature militaire qui proposait une réforme constitutionnelle. Celle-ci fut refusée par le peuple uruguayen. Au cours du seul débat télévisé autorisé, l’opposant à la dictature Eduardo Pons Echeverry, avec beaucoup d’ironie et faisant référence à la pièce d’Eugène Ionesco, qualifia de « rhinocéros » les civils qui collaboraient avec les militaires.

Cette tribune d’Oscar López Goldaracena a été écrite avant le vote par le sénat uruguayen de la levée d’immunité parlementaire du général Manini Ríos, sénateur et chef du parti d’extrême droite Cabildo Abierto. Comme le prévoyait l’auteur, tous les partis de la coalition au pouvoir se sont opposés à cette levée d’immunité, demandée par la justice. La « restauration de la droite » peut donc continuer, y compris au prix de la vérité et la justice pour les crimes contre l’Humanité

Dr. Oscar López Goldaracena[1]

URUGUAY. LA “RESTAURACIÓN” DE LA DERECHA

Cuando los rinocerontes retozaban con las sobras de los cuarteles[2]

Hace seis meses hubo cambio de gobierno en Uruguay. A los días llegó la pandemia. Luego de quince años de centro izquierda (2005 a 2020), únicos en la historia política del país desde 1830, Uruguay regresó al pasado.

Los gobiernos del Frente Amplio (Dr. Tabaré Vázquez, 2005 a 2010 y 2015 a 2020; y José Mujica, 2010 a 2015) generaron avances en derechos, en diminución de pobreza, en aumento de empleo, en redistribución de riqueza, en políticas de género, en políticas sociales, en fortalecimiento de las empresas públicas, en desarrollo democrático y en institucionalidad republicana.

Si bien el Frente Amplio fue el partido político más votado en las pasadas elecciones generales (2019), al no haber alcanzado las mayorías exigidas por la Constitución para ganar la Presidencia de la República en primera vuelta, debió irse a un balotaje. En la segunda vuelta, por muy escaso margen, triunfó Lacalle Pou (Partido Nacional), nuevo presidente hasta febrero de 2025. Nuevo gobierno, de derecha, asociado a la ultraderecha y al militarismo. Un peligrosísimo regreso al pasado para el Uruguay.

Dr.Oscar Lopez Goldaracena

En su afán por desplazar al Frente Amplio, de cara al balotaje, la entonces oposición se unificó tras Lacalle Pou con un objetivo electoral. Su matriz ideológica conservadora fue disimulada y, con el apoyo de los grandes medios de comunicación televisivos atacando permanentemente al gobierno del Frente Amplio y sus debilidades, se presentó a la elección ofreciendo un “cambio”.

El “cambio”, en realidad, era “restauración”, retornar privilegios. Debía maquillarse y producir eslóganes publicitarios. El “cambio” al que aspiraba era como el cambio al que puede aspirar un monárquico nostálgico que añora los tiempos del absolutismo Borbón.

Un ejemplo alcanza para ilustrar.

Próximo a definir el balotaje, el entonces candidato Lacalle Pou adelantó que, de alcanzar la presidencia, presentaría un proyecto de ley de urgencia, pero jamás difundió su contenido antes de la elección. Este tipo de proyectos de ley, amparados por la Constitución, tiene un muy corto plazo para ser debatido y si el Parlamento no se expide, se convierte en ley. Pues bien, Lacalle Pou ganó y presentó el contenido del proyecto: “la propia restauración conservadora” o, mejor dicho, el marco legal necesario para la restauración conservadora y para contener reclamos frente a la aplicación de políticas antipopulares.

La ley de urgencia limita derechos y garantías de los ciudadanos en aras de “la seguridad pública”; aumenta los poderes indagatorios y represivos de la Policía; le otorga el porte de armas a policías y militares retirados; le asegura inmunidad a la policía aumentando los supuestos de legítima defensa presunta; crea nuevos delitos por los cuales penaliza la protesta social; limita el alcance del derecho de huelga; elimina mecanismos de inclusión financiera que evitaban la evasión tributaria de las empresas y que garantizan el cobro del salario para los trabajadores y su aportación a la seguridad social; resta autonomía a las empresas públicas y a la educación; abre el camino de privatizaciones encubiertas, etcétera.

Estratégicamente, el contenido de la ley de urgencia no fue presentado a la ciudadanía antes de las elecciones, para evitar que el debate al respecto pudiera resultar desfavorable. La derecha tenía que asegurar la restauración conservadora, para lo cual, lo primero era ganar y desplazar del gobierno al Frente Amplio y los quince años de progresismo.

Hoy, ese proyecto de ley de urgencia, ya es ley en Uruguay. Votado en época de la pandemia de Covid 19, se favoreciópor la imposibilidad de la movilización popular.

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La crisis de la pandemia, en lo sanitario, está siendo contenida en el Uruguay gracias a un sistema de salud universal y gratuito, que fue implantado por los gobiernos precedentes del Frente Amplio. Asimismo, la educación y el trabajo a distancia que posibilitan superar las instancias de aislamiento, se sustentan en una infraestructura líder en conectividad, también generada por los gobiernos precedentes por medio de la empresa pública estatal de telecomunicaciones (Antel) y por el innovador Plan Ceibal, que otorga a cada niño una computadora. Sin embargo, bien procura el actual gobierno y los medios televisivos que lo respaldan, ignorar la solidez que el Uruguay había alcanzado con los gobiernos de izquierda y sus agendas de derechos.

En relación con la crisis económica y social que acompaña a la emergencia sanitaria, la respuesta del gobierno fue y es transferir el peso de la crisis a los sectores más vulnerables. Fiel a su impronta de restauración neoliberal, reduce la intervención estatal. No apela a las reservas económicas, ni que aporten las grandes fortunas. Opta por dejar todo librado al mercado, con el agravante de incrementar las tarifas de los servicios públicos, rebajar salarios, desmantelar políticas sociales, quitar alimentación de las escuelas, etcétera. Consecuencia: aumentó el desempleo y la pobreza. Y la culpa se le echa a la pandemia y a los gobiernos de izquierda, cuando en el fondo, de lo que se trata, es de volver a gobernar para los empresarios.

Limitadas las garantías y derechos frente a la represión policial, en lo que respecta a los derechos humanos económicos, sociales y culturales, coherente con la filosofía “restauradora” adopta una política regresiva. Olvida que los derechos económicos, sociales y culturales, imponen a los Estados obligaciones de “hacer”. El derecho obliga a “adoptar medidas inmediatas”, hasta “el límite de los recursos disponibles” para su realización. No obstante, el nuevo gobierno opta por el “dejar hacer”. El motor de la nueva normalidad serán los empresarios.

Vuelvo al principio. Uruguay está regresando al pasado, pero, además y como veremos, con socios peligrosos.

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Ocurre que en el escenario político uruguayo irrumpió un partido minoritario de ultraderecha, ultranacionalista y militarista, con el nombre de “Cabildo Abierto”. Lacalle Pou lo integró, previo al balotaje, a la futura coalición de gobierno. O sea, en el Uruguay no hubo “barrera sanitaria” para la ultraderecha. Por el contrario, hoy, forma parte del gobierno.

El portavoz de este grupo político, el general retirado Manini Ríos, senador, desde su banca legislativa y amparado en la inmunidad de sus fueros parlamentarios, ha comenzado con un temerario relato ultranacionalista.

Está desplegando un discurso de ataque permanente a jueces y fiscales por el avance en las causas de violaciones a los derechos humanos ocurridas durante la dictadura cívico-militar, período de Terrorismo de Estado (1973-1985).

Específicamente, formuló una propuesta legislativa para restablecer la impunidad en relación con los crímenes de lesa humanidad cometidos por militares. Pretende reinstalar la llamada “ley de caducidad”, hoy derogada, ley que durante los veinte años que siguieron al restablecimiento democrático (1985-2005), impidió juzgar desapariciones forzadas, asesinatos políticos y torturas cometidas por el Terrorismo de Estado.

Lisa y llanamente, propone que Uruguay desconozca sentencias de la Corte Interamericana de Derechos Humanos que lo han condenado y que dé su espalda al sistema de protección internacional de derechos humanos. Ha instalado un peligroso discurso ultranacionalista, contrario al Derecho Internacional de los Derechos Humanos, que atenta contra el Estado de Derecho y la institucionalidad republicana del Uruguay.

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Pero al respecto hay más.

Además de defender a sus “ex camaradas” acusados de torturas, homicidios y desapariciones forzadas, no son casuales los ataques de Manini Ríos a la fiscalía y al Poder Judicial. Se debe tener presente que sobre el Senador Manini Ríos recae un pedido de procesamiento por parte de la Fiscalía, por un grave delito que habría cometido antes de haber asumido como legislador, cuando era comandante y jefe del Ejército. Se le acusa, nada menos,de no haber denunciado ante la justicia, gravísimas violaciones a los derechos humanos, torturas y desapariciones forzadas, cometidas por militares durante la dictadura, de las que tomó conocimiento por actuaciones de un tribunal de honor del Ejército. Ocultó los hechos y no los denunció a la Justicia.

Luego, al haber sido electo senador, quedó amparado por la inmunidad legislativa. No puede ser juzgado por ningún delito si el Senado no lo habilita. La Fiscalía solicitó el desafuero y, ahora, es el Senado el que tendrá que decidir si deja actuar o no al Poder Judicial.

Cuando estoy escribiendo estas líneas, el pedido de desafuero aún no se votó. Es previsible que los legisladores de la coalición de gobierno le brinden impunidad y no concedan el desafuero. Sucede que Lacalle Pou necesita de los votos de la ultraderecha para todo su proyecto conservador, por ejemplo y en lo inmediato, para aprobar la ley de presupuesto.

Si el Senado no levanta los fueros al ex general Manini, quedará entonces, bien claro, indisimulablemente, que el Uruguay ha retornado peligrosamente al pasado, cuando el poder lo tenían los militares y los “rinocerontes” pastaban en las sobras de los cuarteles.

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Un gobierno liderado por civiles que busca reinstalar un proyecto liberal, conservador y restaurador sin importarle quienes sean “sus socios”, integrando ex militares nostálgicos, ultranacionalistas y ultraderechistas, hace peligrar no sólo los derechos conquistados en quince años, sino la solidez del Estado de Derecho.

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La propuesta legislativa de no seguir juzgando a los ex militares que violaron los derechos humanos y el discurso que la acompaña, son de franco rechazo. Debe merecer la atención y el repudio para que el gobierno de Uruguay no ceda a la presión jurásica.

Lo esencial y básico, es que el Derecho no admite impunidades, caducidades, amnistías, indultos, perdones, ni gracias, para quienes cometieron actos de barbarie contra la población civil que califican como crímenes de lesa humanidad.

Las desapariciones forzadas, los homicidios políticos y la tortura, son crímenes imprescriptibles de juzgamiento necesario y obligatorio.

A la salida de la dictadura, cuando comenzó a insinuarse una posible impunidad, se advirtió que las violaciones a los derechos humanos perpetradas calificaban como crímenes de lesa humanidad. Alertábamos que el Derecho limitaba las opciones políticas e impedía renunciar a la justicia por la naturaleza de los crímenes perpetrados. No obstante, en Uruguay se sancionó la llamada “ley de la caducidad de la pretensión punitiva del Estado”, la que durante décadas impidió juzgar a militares y le valió al país ser condenado por organismos internacionales de derechos humanos.

Aquella ley de caducidad dispuso que el Poder Judicial debía consultar al Poder Ejecutivo, en cada caso, si la pretensión punitiva del Estado, respecto del asunto que se pretendía juzgar, había o no caducado. Es decir, era el Poder Ejecutivo quien en definitiva resolvía qué caso se juzgaba y qué caso no. Durante décadas, los gobiernos de turno (Partido Nacional y Partido Colorado), impidieron juzgar. Una flagrante violación del principio republicano de separación de poderes.

Por la ilegitimidad de la ley de caducidad y por las “ventanas” jurídicas que misma ley tenía, la Justicia comenzó a actuar, muy lentamente. A partir de 2005, con el triunfo del Frente Amplio, el Poder Ejecutivo ya no interfirió y el Poder Judicial avanzó. Luego, la Corte Interamericana de Derechos Humanas condenó al Uruguay a impartir justicia. Más tarde, la ley de caducidad fue derogada. Es historia.

El debate quedó entonces instalado a nivel de tribunales entre quienes sostenemos que estamos frente a delitos imprescriptibles con naturaleza de crímenes de lesa humanidad y quienes sostienen que son delitos comunes, prescriptibles. Si bien fueron condenados los dictadores y algunos militares responsables, la mayoría de las causas se continúan substanciando. Pero los desaparecidos siguen desaparecidos, sin justicia, ni verdad.

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En suma, el Uruguay debe evitar volver al pasado. Por un lado, la política de verdad y justicia para las violaciones de los derechos humanos no admite la alternativa de las caducidades. Por otro lado, la agenda de derechos no admite la restauración neoliberal, porque el propio Derecho obliga al Estado a garantizar el cumplimiento universal de los derechos económicos, sociales y culturales.

Es claro que en tiempos de pandemia nos va la vida, a todos, literalmente. Hoy, en el Uruguay, el sistema político debe frenar el avance de los virus ultranacionalistas y ultraderechistas, porque le irá la vida al Estado de Derecho. Los legisladores que responden al gobierno aún están a tiempo de aplicar la “barrera sanitaria” a sus socios minoritarios y dejar actuar a la Justicia, votando el desafuero de Manini.

El gobierno también está a tiempo de corregir su rumbo y de desistir de la restauración conservadora. El bien común exige políticas de Estado que siempre, siempre, deberán estar inspiradas bajo el marco interdependiente e indivisible de los derechos humanos, cuya matriz no es hoy la referencia.

[1] Doctor en Derecho y Ciencias Sociales. Abogado uruguayo especializado en causas de derechos humanos. Escritor. Ex Senador.

[2]El 30 de noviembre de 1980, se llevó a cabo en Uruguay un plebiscito de reforma constitucional convocado por la dictadura militar, que fue rechazado por el pueblo uruguayo. En el único debate televisivo que se autorizó, el opositor a la dictadura Dr. Eduardo Pons Etcheverry, con una gran ironía y citando la obra teatral de Eugene Ionesco, calificó como “rinocerontes” a los civiles que colaboraban con los militares.

Esta tribuna de Oscar López Goldaracena fue escrita antes del voto por el senado uruguayo del desafuero del general Manini Ríos, senador y jefe del partido de extrema derecha Cabildo Abierto. Como lo anticipaba el autor, todos los partidos de la coalición de gobierno votaron en contra del desafuero pedido por la justicia. La “restauración de la derecha” puede seguir su curso, incluso al precio de la verdad y la justicia por los crímenes de lesa Humanidad.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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