Sur le “Plan Condor”

Des alliances encombrantes

  Isabelle Vagnoux

Si les États-Unis possèdent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale une longue tradition d’ingérence en Amérique centrale, la période de la guerre froide se distingue par le soutien direct et indirect accordé par Washington à la mise en place puis à la perpétuation de régimes militaires et dictatoriaux en Amérique du Sud. L’analyse de ces alliances, présentée par Isabelle Vagnoux, éclaire trois phénomènes centraux de ces décennies : les ravages causés par l’affrontement Est-Ouest à ses périphéries, les marges de manœuvre et les capacités à l’autonomie des alliés des deux grands, et la difficile articulation entre morale et diplomatie pour les dirigeants états-uniens.

2« Il y a trois possibilités, par ordre de préférence : un régime démocratique convenable, la continuation du régime de Trujillo ou un régime castriste. Nous souhaitons tendre vers la première possibilité, mais nous ne pouvons vraiment pas renoncer à la deuxième tant que nous ne sommes pas certains de pouvoir éviter la troisième? [1][1]John F. Kennedy cité dans Arthur M. Schlesinger, A Thousand…. » Ainsi s’exprimait, en 1963, le président John F. Kennedy à l’occasion des turbulences qui secouaient la République dominicaine, mais personne, depuis, n’a mieux synthétisé le dilemme géostratégique de Washington en Amérique latine. Au-delà du cas particulier de la petite nation caribéenne, la formule vaut pour l’ensemble du sous-continent. Tout, plutôt que de risquer un second régime marxiste dans la sphère d’influence des États-Unis. La guerre froide a conduit les gouvernements américains à percevoir le monde en termes très manichéens et à considérer comme potentiellement « ennemie » et dangereuse pour la sécurité régionale toute tentative nationaliste. L’épisode cubain n’a fait que renforcer cette crainte, alors que la rébellion castriste n’avait, au départ, suscité de vives inquiétudes ni chez Dwight Eisenhower ni chez son vice-président Richard Nixon. La « trahison » cubaine laissera à Washington, jusqu’à la fin de la guerre froide, une cicatrice à vif et une crainte quasi paranoïaque de voir la scène se répéter ailleurs.

3Dans ce cadre idéologique, les militaires latino-américains, majoritairement positionnés à la droite de l’échiquier politique? [2][2]Il existe cependant des variantes, où un régime militaire met…, apparaissent comme les alliés naturels des États-Unis. C’est donc dans cet esprit que toute une politique d’aide militaire et de partenariat stratégique est mise en place dès les débuts de la guerre froide. Cette alliance engendre un soutien à des coups d’État visant à se débarrasser de régimes jugés trop marxisants (Brésil en 1964, Chili en 1973), ainsi qu’à des régimes militaires établis et susceptibles de collaborer dans la lutte contre l’expansion communiste. Ce schéma d’intérêts mutuels bien compris est en réalité plus complexe qu’il n’y paraît à première vue, car une multitude de paramètres influence la relation : les intérêts économiques des grandes entreprises américaines ; les intérêts politiques, économiques et sociaux des élites locales qui, le plus souvent, choisissent de s’allier aux militaires, voire à Washington, pour se préserver de tout bouleversement social ; l’état de l’échiquier mondial ; enfin, l’attitude du Congrès américain, qui détermine le niveau d’aide bilatérale et peut influer sur la relation diplomatique. C’est ainsi que, pendant la période 1973-1980, jugeant les idéaux démocratiques chers aux Américains bafoués, le Congrès, puis le gouvernement Carter, mettent en place une politique des droits de l’Homme visant à moraliser l’aide, militaire ou économique, accordée par Washington? [3][3]Ce terme peut recouvrir des positions fort différentes, entre…. Curieusement c’est sous Ronald Reagan, l’un des présidents les plus ouverts aux « tyrans amis », au nom de la lutte contre « l’empire du mal », que celles-ci périssent pour laisser la place à un vaste mouvement démocratique.

Le cadre structurel des relations

4Aux premiers balbutiements de la guerre froide, les nations des Amériques, sous la houlette de Washington, décident de mettre en place un cadre de défense collective susceptible de réagir à toute menace extérieure au continent. Le traité interaméricain d’assistance mutuelle, signé à Rio en 1947, fixe les principes de réaction face à une agression extra-continentale. Il est suivi en 1948 par la charte de Bogota qui donnera naissance à un organisme régional, l’Organisation des États américains, chargée d’orchestrer une réponse politique commune et d’éviter les conflits régionaux. De 1952 à 1955, Washington signe des traités bilatéraux d’assistance militaire avec douze nations du continent.

5Mais très vite, il apparaît que la menace émane moins de l’extérieur que de l’intérieur des Amériques. Le Guatemala en 1954 et surtout Cuba en 1959 indiquent que la sécurité intérieure et la lutte contre la subversion marxiste doivent se substituer à la politique commune de défense. Les relations entre armées latino-américaines et états-uniennes se font plus étroites et l’assistance militaire prend un tour très politique. Ces programmes d’aide sont coordonnés dès 1963 par le Southern Command (USSOUTHCOM), un des quatre grands commandements militaires des États-Unis. Né pendant la Seconde Guerre mondiale et alors limité aux Caraïbes, il sera restructuré et élargi sous John F. Kennedy? [4][4]L’historique de l’USSOUTHCOM est disponible sur son site…. Là commencent les manœuvres militaires conjointes.

6La coopération se manifeste également par la formation de militaires latino-américains. Leur nombre, relativement limité, varie en fonction de la capacité propre du pays à former ses armées (l’Argentine a ainsi proportionnellement envoyé beaucoup moins de recrues que les pays d’Amérique centrale) et du degré de la menace communiste perçu par Washington. Le centre le plus connu est sans nul doute la U.S. Army School of the Americas, située dans la zone du canal de Panama (Fort Gulick), alors sous contrôle américain. Fondée en 1946, elle subit également une réorganisation en 1963. Les cours y sont dispensés en espagnol et en portugais et véhiculent l’idéologie anticommuniste et la philosophie antirévolutionnaire. La zone offre aux officiers latino-américains d’autres possibilités de formation, notamment à l’École de l’air interaméricaine et à l’École cartographique d’études géodésiques. D’autres écoles militaires aux États-Unis mêmes complètent l’offre de formation (Fort Benning, Fort Leavenworth, Inter-American Defense College) et présentent à maints égards plus d’attrait que la zone du canal de Panama, sorte de « ghetto » pour Latino-Américains? [5][5]Alain Rouquié, L’État militaire en Amérique latine, Paris,…. La formation y est la même pour tous, militaires du Nord comme du Sud et cette formule « mixte » permet des échanges humains et culturels peu envisageables dans la zone du canal de Panama. Des réseaux se construisent ainsi dès les années de formation. La possibilité de séjourner plusieurs mois aux États-Unis permet aux Latino-Américains de se familiariser avec la culture américaine et, espère-t-on à Washington, d’adopter spontanément les valeurs chères aux Américains. Il ne s’agit pas d’endoctrinement, mais de soft power, cette « capacité à obtenir ce que l’on veut par l’attrait, la séduction, plutôt que par la coercition », si bien conceptualisé par Joseph Nye? [6][6]Joseph S. Nye Jr, Soft Power : The Means to Success in World… et au final plus efficace qu’une formation spécifique et pointée du doigt comme propagande.

7Parfois, les résultats sont surprenants. Ainsi, dans le cadre de l’Alliance pour le progrès, sorte de plan Marshall régional censé aider l’Amérique latine à sortir du sous-développement, les formateurs avaient mis l’accent sur la nécessité d’entreprendre des réformes sociales. La junte péruvienne nationaliste qui prend le pouvoir en 1968 semble en être un pur produit : dix des douze officiers au pouvoir ont reçu une formation militaire américaine, ce qui ne les empêchera pas de mener une politique « sociale » très hostile à Washington.

8Les programmes d’assistance militaire atteignent leur apogée dans les années 1960, en raison de la crainte d’une extension de la guérilla castriste à tout le continent. Mais la vague démocrate et pacifiste qui s’empare du Congrès à partir de 1967 n’aura de cesse de réduire cette aide jugée inutile et démesurée dans des pays aux besoins économiques et sociaux criants. Les amendements Symington, Conte et Pelly, qui réduisent ces programmes, sont adoptés en 1967 et 1968. En 1970, un total de vingt et un amendements coupent les ailes de la politique militaire américaine dans la région. Se voulant éthiques, ces derniers frisent l’ingérence puisque, avant toute attribution, le président doit prendre en compte le pourcentage du budget que chaque pays receveur consacre à ses dépenses militaires et juger si une aide supplémentaire est nécessaire. Ces clauses ne sont toutefois pas applicables dans le cadre des programmes gérés par l’Agence pour le développement international (USAID). Le point de vue de l’exécutif est tout autre : si ces pays ne sont pas autorisés à acheter leur équipement militaire aux États-Unis, ils le feront ailleurs, et cette ingérence américaine génère une rancœur préjudiciable aux intérêts stratégiques des États-Unis dans la région. La conclusion du rapport Rockefeller, commandité par Richard Nixon en 1969, est sans ambiguïté : il faut au contraire réarmer l’Amérique latine pour mieux assurer la sécurité hémisphérique et, partant, celle des États-Unis. Selon le credo réaliste, loin de condamner les régimes militaires, il convient d’accepter les gouvernements « tels qu’ils sont », surtout dans une région où le tissu économique et social est jugé encore trop fragile pour que la démocratie puisse s’installer durablement? [7][7]Nelson Rockefeller, The Rockefeller Report on the Americas,….

9Les États-Unis disposent alors d’une présence militaire et idéologique forte via les Milgroups (groupes militaires) chargés, par le conseil et la formation au sein d’armées étrangères, « d’exercer une influence américaine et de préserver l’attitude pro-américaine des forces armées? [8][8]U.S. Congress, House, « Reports of the Special Study Mission to… », selon les termes du plus important d’entre eux à l’époque, celui du Brésil. Au gré des liens bilatéraux et en fonction des menaces ponctuelles, cette présence militaire est maintenue. La lutte contre le narcotrafic, dans les années 1980, la renforcera, dans les pays andins notamment.
Si l’on ne peut nier une certaine influence états-unienne sur les militaires latino-américains, il convient de relativiser celle-ci au regard de l’éventail d’instruments d’influence dont Washington peut jouir par ailleurs. L’aide économique – ou le refus de l’accorder –, le rôle des ambassadeurs, l’impact du modèle culturel véhiculé en dehors de toute action gouvernementale, la CIA, enfin, sont autant de leviers qui peuvent faire adhérer un gouvernement aux valeurs défendues par les États-Unis. Les armées ont également leur propre logique, leurs intérêts au sein de leur nation et elles n’acquiescent au coup de pouce américain que lorsqu’il y a convergence entre leurs intérêts et ceux de Washington.

L’avènement de régimes « amis » (1964-1973)

10L’Histoire est parfois ironique. L’Alliance pour le Progrès, lancée par John F. Kennedy en 1961, était censée sortir les Latino-Américains du sous-développement et les mettre sur la voie de la démocratie. Aucun des deux objectifs ne sera atteint. Pire, dans les deux pays phares de l’Alliance, le Brésil et le Chili, la Maison Blanche, fidèle à l’ambiguïté kennedienne (cf. citation supra), facilite l’avènement de dictatures sur lesquelles nous nous concentrerons dans cette partie. Parallèlement, d’autres régimes militaires autoritaires se mettent en place dans la région : en Argentine (1966-1982, avec une interruption civile entre 1972 et 1976), en Bolivie (1964-1982), en Uruguay (1973-1984), au Paraguay (1954-1989), sans soutien américain particulier. D’autres (Pérou, 1968-1980) s’engagent au contraire dans un processus clairement nationaliste et hostile à Washington. C’est donc un paysage militaire sud-américain pluriel que les États-Unis doivent gérer. Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons essentiellement aux trois grandes nations d’Amérique du Sud que sont l’Argentine, le Brésil et le Chili.

Remettre l’ami brésilien dans le droit chemin

11La crise qui conduit les militaires au pouvoir trouve son origine dans l’idée d’une politique étrangère « indépendante » lancé par Getú­lio Vargas (1951-1954) qui refuse de suivre la position américaine dans la guerre froide. Le gouvernement Jânio Quadros, en 1961, reprend cette même idéologie ; sept mois de pouvoir décousu, avant sa démission-surprise, pendant lesquels il rend visite à Fidel Castro, appuie l’admission de la Chine à l’ONU, se rapproche de l’URSS et décide d’un plus grand contrôle sur les investissements étrangers. Autant de gestes qui inquiètent Washington. Lorsque le vice-président João Goulart accède à la magistrature suprême, le gouvernement Kennedy le surveille de près, d’autant qu’il compte sur le Brésil, le plus grand pays d’Amérique latine, pour contribuer au succès de l’Alliance pour le Progrès. Lincoln Gordon, ambassadeur des États-Unis de 1961 à 1966, tire la sonnette d’alarme : « Il existe actuellement un réel danger pour la démocratie et la liberté au Brésil qui pourrait entraîner cette énorme nation dans le camp communiste » ; et d’ajouter : « Ma conclusion est que Goulart, en acceptant la collaboration active du parti communiste brésilien et d’autres révolutionnaires d’extrême gauche, s’est maintenant totalement engagé dans une voie qui le mènera au pouvoir dictatorial. » Il souligne toutefois que « la meilleure issue, pour le Brésil comme pour les États-Unis » serait que João Goulart puisse rester au pouvoir et conduire en toute transparence les élections présidentielles d’octobre 1965, mais que les chances de ce scénario sont « inférieures à 50 % »? [9][9]The National Security Archive, « State Department, Top Secret….

12Reste à déterminer le degré de responsabilité des États-Unis dans le coup d’État des 31 mars et 1er avril qui permet aux militaires de s’emparer du pouvoir et de le conserver jusqu’en 1984. Lincoln Gordon nie toute participation directe et la lecture des archives dont nous disposons à ce jour semble aller dans ce sens. Tout dépend en fait de ce que l’on entend par « participation » ou « soutien ». Il apparaît qu’il n’y a eu ni incitation au putsch ni présence militaire américaine accrue sur le sol brésilien. Il n’y a pas eu non plus de suppression totale de l’aide américaine, mais plutôt réduction sélective. Les gouverneurs hostiles au pouvoir central ainsi que les groupes privés ont continué à la recevoir. Pour le reste, la plupart des fonds sont restés bloqués jusqu’au putsch. Via son ambassadeur et la CIA, Washington a également pu montrer son soutien aux opposants de João Goulart. Ceux-ci, issus de l’armée et des milieux d’affaires, se sont d’ailleurs manifestés très tôt auprès de l’ambassade, dès 1961, afin d’empêcher l’accession au pouvoir de João Goulart? [10][10]Jan Knippers Black, United States Penetration of Brazil,…. Ils maintiennent leurs pressions et leurs requêtes tout au long de sa présidence. L’ambassadeur Gordon reconnaît d’ailleurs ce soutien financier à ceux qui, aux élections législatives, tenaient un discours favorable aux États-Unis? [11][11]Lincoln Gordon, Brazil’s Second Chance : En Route Toward the… ainsi qu’à d’autres groupes hostiles au président. Dans sa dépêche au ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur ne fait ainsi nul mystère des actions discrètes menées par les Américains : « soutien clandestin aux groupes prodémocratiques », « faire discrètement passer le message que le gouvernement des États-Unis s’inquiète beaucoup des événements brésiliens », « encouragement au sentiment démocratique et anticommuniste au Congrès, au sein des forces armées, des syndicats et des groupes d’étudiants favorables à notre cause, dans l’Église et les milieux d’affaires ». « Il se peut que nous demandions des fonds supplémentaires pour d’autres actions secrètes très bientôt? [12][12]The National Security Archive, « State Department, Top Secret… », ajoute-t-il. Soutien psychologique également à ceux qui envisagent de démettre João Goulart en leur faisant comprendre qu’ils pourraient compter, une fois en poste, sur la bienveillance de Washington. Comme au Chili, il convient de souligner ici l’importance des requêtes des opposants, qui n’hésitent pas à contacter les officiels américains, localement ou à Washington, pour s’assurer de leur soutien à leurs projets. Gordon recommande explicitement de soutenir le général Castello Branco qui bénéficie déjà de solides amitiés états-uniennes en haut lieu, depuis son engagement militaire en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il conseille également de livrer en secret armes, essence et pétrole à ses troupes, en prenant toutefois soin d’éviter toute identification de l’origine américaine de ces livraisons. Le télégramme du secrétaire d’État Dean Rusk à l’ambassadeur Gordon, daté du 30 mars, exprime sans ambages le soutien des États-Unis, tout en conseillant une certaine prudence au cas où les différentes parties trouveraient un accord in extremis :

13« Toutes les dispositions doivent être prises ici pour se préparer à soutenir ceux qui entreprendraient d’empêcher le Brésil de devenir une véritable dictature de gauche fortement infiltrée ou contrôlée par les communistes. […] Nous ne nous laisserons pas paralyser par des amabilités théoriques si nous avons le choix entre les forces véritablement démocratiques du Brésil et une dictature dominée par les communistes? [13][13]Cité par Lincoln Gordon, op. cit., p. 69-70.. »

14Un détachement naval américain, chargé de pétrole, essence, armement et munitions? [14][14]National Security Archive, « State Department, Secret Cable to…, part alors des Caraïbes, le 31 mars, en direction du Brésil, conformément à la recommandation de Lincoln Gordon, afin d’être opérationnel au cas où la crise institutionnelle brésilienne dégénérerait en guerre civile. Il n’a pas à intervenir puisque le coup d’État se déroule sans grande résistance. Dans une conversation téléphonique du 31 mars, accessible au public depuis 2004, on peut entendre le président Johnson ordonner de « prendre toutes les mesures que nous pouvons, nous tenir prêts à faire tout ce que nous devons faire » et ajouter, probablement à propos de João Goulart : « Celui-là, on ne peut pas l’accepter? [15][15]The National Security Archive, « White House Audio Tape,…. » Selon les termes de Lincoln Gordon, « que nous ayons bien accueilli le renversement de Goulart est connu de tous. Mais il n’y a eu aucune participation américaine dans son départ par la force militaire? [16][16]Lincoln Gordon, op. cit., p. 68. ». En d’autres termes, il existait bien un plan d’urgence destiné à favoriser les opposants si les événements avaient mal tourné, mais il n’a pas eu à se concrétiser. Les Brésiliens ont accompli leur coup d’État sans avoir besoin de l’assistance américaine, mais en sachant que leur action était bienvenue et que, le cas échéant, ils pouvaient compter sur Washington.

15Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement militaire abolit toutes les limites imposées par João Goulart aux entreprises étrangères et ouvre grand les portes aux investissements étrangers. Rio s’aligne sur Washington en politique étrangère et soutient ses choix sur le continent, notamment à propos de Cuba et de la République dominicaine. Le Brésil participe même à la guerre du Vietnam sous forme d’aide médicale et multiplie par cinq les achats d’armement américain. Cet alignement a toutefois des limites : celles de « l’intérêt national ». Ainsi, Rio renforce ses liens commerciaux avec l’URSS et l’Europe de l’Est, un des points qui, précisément, avaient conduit Washington à accuser João Goulart de dérives « communistes ». Mais comment pourrait-on lancer une telle accusation contre des gouvernements militaires pratiquant une répression aussi féroce contre la subversion marxiste ?

16Les gouvernements Johnson, Nixon et Ford ne tarissent pas d’éloges sur le bon élève brésilien. Au grand dam de la direction « Amériques » du ministère des Affaires étrangères qui s’apprêtait à proposer des restrictions à l’aide économique et militaire. Lors de la visite officielle du président Médici à Washington, en décembre 1971, alors que le pays détient le triste record de violation des droits de l’Homme sur le continent, Richard Nixon salue « l’énorme succès obtenu dans la construction de l’économie brésilienne », soulignant que, en quelques mois de présidence, plus de progrès a été accompli qu’à n’importe quelle autre période comparable dans l’histoire de ce pays », pour conclure sur un chaleureux « c’est en tant qu’ami et voisin proche de nous depuis si longtemps que nous vous accueillons? [17][17]Discours du président Nixon en l’honneur du président Medici, 7… ». Ce n’est pas du cynisme mais un bel exercice de Realpolitik. Seuls certains membres du Congrès (notamment les sénateurs Franck Church et Ted Kennedy? [18][18]U.S. Congress, Senate Committee on Foreign Relations,…) et du ministère des Affaires étrangères, ainsi que des responsables ayant quitté le gouvernement, tels Lincoln Gordon, émettent quelques inquiétudes.

17Le Brésil participe également à l’œuvre de déstabilisation du gouvernement de Salvador Allende, conformément aux recommandations de Henry Kissinger qui préconise « d’établir des relations étroites avec les dirigeants militaires latino-américains proches de nous », « notamment au Brésil et en Argentine, afin de coordonner nos efforts pour contrer toute initiative chilienne susceptible d’être contraire à nos intérêts »? [19][19]National Security Council, « Policy Towards Chile », Memorandum…. L’ambassadeur Edward Korry, puis son successeur à Santiago, Nathaniel Davis, avaient déjà évoqué le rôle joué par Brasilia au Chili. La connivence est désormais rendue publique par les archives ouvertes à l’été 2009. Dans un rapport ultra-confidentiel, Henry Kissinger résume ainsi la rencontre entre les présidents Nixon et Médici en décembre 1971 :

« Le président [Nixon] a demandé au président Médici s’il pensait que les forces armées chiliennes pouvaient renverser Allende. Le président Médici répondit qu’à son avis c’était possible […], ajoutant que le Brésil œuvrait en ce sens. Le président assura qu’il était très important que le Brésil et les États-Unis collaborent étroitement dans cette affaire. Nous ne pouvions pas prendre la direction des opérations mais si les Brésiliens pensaient que notre aide était nécessaire, il souhaitait que le président Médici le lui fasse savoir. S’il fallait de l’argent ou toute autre aide discrète, nous pourrions peut-être nous arranger. Tout ceci devait rester strictement confidentiel. [… Le président] espérait que nous pourrions collaborer étroitement car, en tant que pays d’Amérique du Sud, le Brésil pouvait faire beaucoup de choses que les États-Unis ne pouvaient pas faire. »

Le général brésilien Coutinho résume ainsi de tels arrangements : « [les États-Unis veulent] nous faire faire le sale boulot? [20][20]Nathaniel Davis, The Last Two Years of Salvador Allende,…». Ils sont la preuve du rôle souterrain incontestable joué par Washington dans l’affaire chilienne ainsi que des intérêts communs bien compris entre les deux géants du continent américain.

Tout sauf Allende

18L’inquiétude de Washington face à l’établissement d’un gouvernement socialiste au Chili, autre pays phare de l’Alliance pour le Progrès et l’un des principaux bénéficiaires de l’assistance américaine, trouve ses racines bien avant le coup d’État de 1973. Dès l’élection de 1964, Washington n’avait pas ménagé son soutien à « son » candidat, Eduardo Frei, élu aux dépens du socialiste Salvador Allende. Le même problème se pose à nouveau en 1970. On note au passage que l’inquiétude et l’action sont identiques sous un gouvernement démocrate (Lyndon B. Johnson) que sous un gouvernement républicain (Richard M. Nixon), ce qui souligne la primauté de « l’intérêt national » des États-Unis sur les divergences partisanes. À nouveau, tout est mis en œuvre pour défaire Salvador Allende, mais, en dépit de la débauche de moyens et d’actions secrètes, la tâche s’avère plus difficile qu’en 1964. En l’absence d’un candidat modéré convaincant, l’action américaine est plutôt négative, à savoir anti-Allende, malgré les réticences du ministère des Affaires étrangères : « Certes, il ne fallait pas soutenir Allende, mais il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Nous [le ministère des Affaires étrangères] avions pris la ferme décision de ne pas perdre notre temps à nous occuper des élections au Chili. Il n’était pas question de recommencer 1964? [21][21]Entretien avec l’ambassadeur John H. Crimmins, chargé des…. »

19Mais, selon la formule de William Colby, directeur de la CIA de 1973 à 1976, « on ne bat pas quelqu’un avec personne? [22][22]William Colby, 30 Ans de CIA, Paris, Presses de la Renaissance,… ». Le 4 septembre 1970, Salvador Allende emporte une majorité des suffrages, mais pas suffisamment pour être élu. Il appartient donc au Parlement chilien de décider lequel des candidats sera président, octroyant ainsi aux opposants d’Allende et à leurs amis américains un laps de temps pour éviter cette élection. Encouragées par les conservateurs chiliens et plusieurs multinationales états-uniennes, les opérations clandestines sont pilotées directement depuis le Conseil de sécurité nationale que dirige Henry Kissinger à la Maison-Blanche, court-circuitant le ministère des Affaires étrangères et l’ambassadeur Korry, jugés trop timorés. Dès septembre 1970, l’option militaire est privilégiée, marquant le début d’une longue coopération complice avec les militaires chiliens. De l’aveu même de Henry Kissinger, « le président Nixon voulait que [le directeur de la CIA] encourage les militaires chiliens à coopérer ou à prendre l’initiative pour empêcher Allende d’accéder à la présidence? [23][23]Témoignage de Henry Kissinger du 12 août 1975, rapporté dans… ». Approché, le général Schneider, commandant en chef de l’armée chilienne, choisit de rester fidèle à la Constitution. Il est enlevé par des militaires plus réceptifs aux arguments de la CIA et qui voyaient là un moyen d’asseoir leurs propres intérêts. Il décède de ses blessures quelques jours plus tard. Il est alors trop tard pour mettre en place un coup d’État et l’élection de Salvador Allende est confirmée par le Parlement le 24 octobre 1970.

20S’ensuivent près de trois années d’hostilité implacable de la Maison Blanche face à ce qui est perçu comme « la consolidation, au Chili, d’un État communiste? [24][24]National Security Council, « Policy Towards Chile », Memorandum… ». Trois années pendant lesquelles le gouvernement Nixon s’engage dans un blocus économique invisible, utilisant son influence dans les institutions internationales pour déstabiliser l’économie chilienne ; trois années pendant lesquelles la CIA, aux ordres de la Maison Blanche, maintient des contacts étroits avec tous les opposants ; trois années pendant lesquelles une partie des militaires, sollicités par les Américains dès 1970, mettent au point leurs desseins, dans un pays où l’armée s’abstient traditionnellement de toute intervention dans la vie politique. Il convient ici de souligner la dualité des militaires chiliens dont une partie non négligeable soutient Salvador Allende.

Trois d’entre eux participent même à son gouvernement. Ce sont donc essentiellement les militaires issus de l’oligarchie qui collaborent avec Washington et finissent par l’emporter, lorsque violence, chaos et pénurie s’emparent du pays en 1973.

21La connivence entre Washington et les militaires chiliens est notamment démontrée par l’augmentation des ventes d’armes et d’avions F-5E au cours même de la présidence d’Allende. Ces ventes visent à écarter la menace d’armements soviétiques, encouragés par le gouvernement d’Unité populaire et, d’autre part, à moderniser cette armée « amie », au cas où elle devrait assumer de plus grandes responsabilités. Il en va de même pour le nombre d’officiers formés dans la zone du canal de Panama. De 68 en 1966, pendant la présidence de « l’ami » Eduardo Frei, ils sont passés à 260 en 1974, avec une augmentation constante au cours des années Allende? [25][25]United States Congress, Senate, « Covert Action in Chile,…. Rien n’aurait cependant été possible sans l’aval, certes réticent, du gouvernement Allende lui-même, ce qui minimise sérieusement la menace que la Maison Blanche voyait en lui. Le général Carlos Prats, commandant en chef des armées, nommé ministre de l’Intérieur puis de la Défense par Allende, avait d’ailleurs conscience du danger que pouvait représenter « l’influence nord-américaine parmi les forces armées et surtout dans la mentalité du militaire chilien », prédisant, avec prescience, que « cette influence […] est un facteur susceptible de jouer un rôle terriblement négatif dans les événements à venir »? [26][26]Réflexion datée du 27 août 1973, au moment où il perd la…. La commission sénatoriale chargée d’enquêter sur les opérations secrètes menées par le gouvernement (« Commission Church », d’après le nom de son président, le sénateur Frank Church) le reconnaît officiellement dès 1975 : « Les États-Unis […] ont probablement donné l’impression qu’ils ne verraient pas d’un mauvais œil un coup d’État militaire? [27][27]United States Congress, Senate, « Covert Action in Chile,…. »
La suite tragique du putsch du 11 septembre 1973 est connue de tous. C’est le début d’une longue dictature militaire, tortionnaire, dirigée par le général Pinochet, qui ne prend fin que seize ans plus tard. Les documents ouverts au public depuis lors ainsi que les transcriptions des conversations téléphoniques de Henry Kissinger témoignent tous de l’ingérence américaine pour faire chuter Salvador Allende. « Nous les avons aidés », reconnaît Henry Kissinger dans une conversation avec Richard Nixon au lendemain du coup d’État. Nous « avons créé les meilleures conditions possibles? [28][28]The National Security Archive, « New Kissinger “Telcons” Reveal… ». La responsabilité américaine est tout entière résumée dans ces quelques mots. Le reste incombe aux Chiliens.
Malgré une reconnaissance diplomatique relativement tardive (24 septembre), après vingt-deux autres pays (dont la France et la Suisse), les relations entre la Maison Blanche et la junte militaire sont d’emblée très bonnes. L’exécutif américain ne condamne ni les atrocités commises ni les disparitions, y compris celles de ressortissants américains. Aux commandes absolues de la politique étrangère, Henry Kissinger cumule en 1974 et 1975 les fonctions de secrétaire d’État et de conseiller à la Sécurité nationale, avant de céder cette dernière responsabilité à Brent Scowcroft. Tout sera fait pour ne pas déplaire à « l’ami » chilien.

La fronde démocrate (1974-1980)

Maison Blanche contre Congrès

22Parallèlement à l’action de la Maison Blanche, on trouve à Washington une autre politique : celle du Congrès, à majorité démocrate dans les deux Chambres tout au long des années 1970 puis de 1987 à 1995, et à la Chambre seulement pendant l’essentiel de la présidence Reagan. À partir de la fin de 1973, le Congrès s’émeut de la violation massive des droits de l’Homme au Chili d’abord, dans les autres dictatures sud-américaines ensuite, et impose un certain nombre de restrictions quant à l’attribution de l’assistance américaine. Depuis plusieurs années le Congrès cherchait par tous les moyens à réduire l’aide militaire à l’Amérique latine. Fruit du nationalisme économique latino-américain, la vague d’expropriations et de nationalisations subie, depuis le début des années1960, par nombre de compagnies états-uniennes installées dans le Sud avait déjà fourni un prétexte pour remettre en cause l’aide américaine. La violation des droits de l’Homme offre au Capitole une nouvelle occasion de prendre l’initiative en politique étrangère. Pour ce dernier, le mot d’ordre n’est plus sécurité et protection des intérêts géopolitiques, mais morale et démocratie. Cette nouvelle orientation est d’autant plus aisée que l’Amérique latine ne présente alors plus de danger majeur pour la sécurité américaine. Après le traumatisme du Vietnam et du Watergate, le versant idéaliste de la diplomatie américaine prend le pas sur le réalisme qui avait prévalu jusque-là, grâce à l’avènement d’une génération d’hommes politiques jeunes et profondément hostiles à « l’arrogance du pouvoir » américain, tels que Tom Harkin, Donald Fraser et surtout Ted Kennedy. Celui-ci, qui s’était déjà ému de la répression brésilienne, prend la tête de ce mouvement législatif visant à interdire toute aide au Chili tant que la junte ne garantit pas le droit à l’asile politique et le respect des droits de l’Homme. En dépit de quelques revers, l’acharnement des démocrates progressistes du Congrès permet de modifier en profondeur la législation sur l’assistance aux pays étrangers, dans l’indifférence totale de la Maison Blanche sur cette question. Cette indifférence permet d’ailleurs au Congrès de prendre de telles initiatives en matière de politique étrangère, pour la première fois depuis Franklin D. Roosevelt et les débuts de la présidence « moderne ».

23Chaque fois qu’elle le peut, la Maison Blanche passe outre. C’est ainsi que le général Pinochet obtient dès son arrivée au pouvoir un crédit de 24,5 millions de dollars pour acheter du blé, crédit qui avait été refusé à Salvador Allende, déclenchant à la fois l’ire du sénateur Kennedy et la désapprobation des latino-américanistes du ministère des Affaires étrangères qui jugent cette décision « prématurée » et « politiquement embarrassante ». Une abondante aide économique continue, par le truchement de l’Agence pour le développement international et du programme Food for peace, pendant tout le gouvernement Ford.

24Il faut attendre l’année 1976 pour que Henry Kissinger fasse mine de s’intéresser d’un peu plus près à la question des droits de l’Homme, officiellement du moins. Il devient en effet politiquement suicidaire d’ignorer la croisade menée par le Congrès et l’ONU depuis 1973, soutenue par nombre d’organisations rapportant et dénonçant les exactions des militaires chiliens, uruguayens et paraguayens. Au moment où les démocrates font de cette question la pierre angulaire de leur campagne pour l’élection présidentielle, l’équipe au pouvoir ne peut éluder la question. Elle le fait cependant a minima, reconnaissant les faits établis et avérés mais sans jamais prononcer de condamnation sévère, préférant s’en tenir à des propos très généraux et, chaque fois que possible, souligner d’éventuelles améliorations. L’accent est mis systématiquement sur la nécessité de poursuivre l’assistance à ces pays, afin de maintenir des relations cordiales et donc de pouvoir espérer influer sur leur politique intérieure? [29][29]U.S. Congress, House, « Report of Secretary of State Kissinger…. En résumé, il s’agit d’un discours aux antipodes de celui tenu contre João Goulart ou Salvador Allende…

25Dans le même temps, deux jours après le coup d’État qui porte une junte militaire à la tête de l’Argentine en mars 1976, après des années de chaos politique et de lutte contre une guérilla extrémiste, Henry Kissinger informe ses collaborateurs qu’il souhaite accorder son soutien à la junte. Le sous-secrétaire d’État à l’Amérique latine, William D. Rogers, est plus circonspect et conseille de « ne pas se précipiter pour embrasser ce nouveau régime? [30][30]Staff Meeting Transcripts, 26 mars 1976,… ». Le Fonds monétaire international accorde immédiatement un crédit de 127 millions de dollars à la junte. Contrairement au Brésil ou au Chili, les Américains n’ont joué aucun rôle dans l’avènement de cette dictature, mais ils étaient au courant de l’imminence du putsch. Une semaine auparavant, l’ambassade des États-Unis aurait reçu de l’amiral Massera l’assurance que le nouveau gouvernement ne commettrait pas les mêmes atrocités que la junte chilienne? [31][31]Conversation de l’ambassadeur avec l’amiral Massera, 16 mars…. Dans des entretiens privés avec le ministre des Affaires étrangères argentin, Cesar Guzzetti, Henry Kissinger ne laisse aucun doute sur la réalité de sa position, alors que le pays affronte la répression la plus sanguinaire de son histoire.

26« Nous souhaitons bonne chance à [votre] nouveau gouvernement. Nous espérons qu’il réussira. Nous ferons ce que nous pourrons pour aider à votre réussite […]. Je comprends que vous n’ayez pas d’autre choix que de rétablir l’autorité du gouvernement. Mais il est également clair que l’absence de procédures normales sera utilisée contre vous. »

27Et d’ajouter à propos des opposants de gauche ou d’extrême gauche, argentins ou réfugiés d’autres pays du Cône sud :

28« Si vous devez faire certaines choses, faites-les rapidement. Mais vous devez très vite revenir aux procédures normales […]. Aux États-Unis, nous avons de fortes pressions internes pour agir sur les droits de l’Homme […]. Nous ne voulons pas vous harceler. Je ferai ce que je peux. »? [32][32]Mémorandum d’une conversation de Kissinger du 10 juin 1976,…

29Propos confirmés quelques mois plus tard, alors que la campagne électorale américaine bat son plein :

30« Je crois qu’on doit soutenir ses amis. […] Ce que les États-Unis ne comprennent pas, c’est que vous êtes en pleine guerre civile. […] Plus vous réussirez rapidement, mieux ce sera. Le problème des droits de l’Homme prend de plus en plus d’importance. […] Nous ne vous causerons pas de difficultés inutiles. Si vous pouvez terminer avant que le Congrès revienne en session, ce serait mieux? [33][33]Propos du 7 octobre 1976,…. »

31Partant, on comprend aisément que l’ambassadeur américain à Buenos Aires ait eu les pires difficultés à se faire entendre des autorités argentines sur la disparition et la torture de milliers de personnes, y compris de six ressortissants américains. Il se plaint d’ailleurs que César Guzzetti soit revenu de Washington « dans un état de jubilation? [34][34]Ibid. ».

À l’évidence, l’obsession anticommuniste de Kissinger l’emporte sur toute considération humanitaire. À cette même époque, les polices secrètes de plusieurs pays du Cône sud montent un réseau, le plan Condor, destiné à mener des attaques terroristes contre les opposants politiques de leurs régimes, y compris ceux en exil dans des pays voisins. Henry Kissinger souscrit à cette transnationalisation de la répression et celle-ci n’est nullement entravée par les Américains? [35][35]Lire à ce sujet John Dinges, The Condor Years, New York, The….

Une fois hors du pouvoir, à partir de 1977, il peut faire fi des contraintes de la politique intérieure américaine et manifester pleinement son soutien aux régimes militaires du continent, au nom de la sécurité des États-Unis et de la lutte contre le communisme international. Comme bon nombre de conservateurs, il souhaite « conserver la distinction morale qui existe entre le totalitarisme agressif et d’autres gouvernements qui, malgré toutes leurs imperfections, tentent de résister aux pressions et à la subversion venues de l’étranger, et qui, par là même, contribuent à maintenir l’équilibre des pouvoirs en faveur de tous les peuples libres ». Reste à savoir si Argentins, Chiliens, Uruguayens se considéraient alors comme des « peuples libres »… En 1978, lors de la Coupe du monde de football en Argentine, il stigmatise le gouvernement Carter qui « refuse de comprendre que les droits de l’Homme sont un sacrifice nécessaire dans la lutte contre le terrorisme? [36][36]Henry Kissinger cité dans Lars Schoultz, Human Rights and… ».

« Les droits de l’Homme sont l’âme de notre politique étrangère » (Jimmy Carter)

32En contrepoint de la Realpolitik chère à Richard Nixon et Henry Kissinger, Jimmy Carter fait des droits de l’Homme et du moralisme en politique étrangère un des points phare de sa campagne électorale, empruntant les pas déjà tracés par une partie du Congrès. En harmonie avec celui-ci, l’exécutif utilise l’aide économique et militaire comme moyen de pression sur les régimes militaires d’Amérique du Sud. Des conflits au sein du gouvernement américain surgissent cependant, entre « idéalistes » et « réalistes », tenants de la non-ingérence dans les « choix » politiques des pays et, en ces temps de guerre froide, du soutien – dût-il être réticent – à des pays engagés dans la lutte contre le communisme international.

33Les succès de cette politique interventionniste s’avèrent très limités : quelques jours seulement après les menaces proférées par le secrétaire d’État Cyrus Vance, l’Argentine, l’Uruguay puis le Brésil décident de refuser une aide militaire ou économique réduite et soumise aux conditions dictées par Washington, au nom de la souveraineté nationale et du rejet de cette nouvelle forme d’impérialisme américain. La fronde commence en fait dès 1967 pour l’Argentine qui, furieuse de se voir refuser l’achat de tanks plus modernes, s’est tournée vers l’Europe. Entre 1967 et 1976, les commandes militaires à celle-ci excèdent celles passées aux États-Unis, tendance qui se poursuit ensuite. Les Brésiliens également commencent à s’émanciper graduellement de la tutelle de Washington et rejettent l’aide conditionnelle américaine. Après les contrats commerciaux avec les républiques socialistes d’Europe de l’Est, le Brésil se rapproche des Arabes, aux dépens d’Israël, et des républiques progressistes d’Afrique où il aimerait bien jouer un rôle. C’est aussi le moment pour la grande nation sud-américaine de devenir un important producteur d’armes et de chercher à développer l’arme nucléaire. Les États-Unis suspendent l’aide économique et militaire aux pays violant les droits de l’Homme pour les obliger à mettre fin à la répression. Le Brésil ne cille pas, ne change en rien ses pratiques et développe les moyens de ne plus dépendre de Washington. L’élève modèle échappe au contrôle de son « protecteur ».

34Même le Chili préfère se tourner vers la Grande-Bretagne, qui devient alors son premier fournisseur d’armement. Les restrictions américaines, loin d’aboutir à une démilitarisation de l’Amérique du Sud, l’ont poussée vers des pays tiers et, pour les nations les plus industrialisées, à développer leur propre production d’armement. Dans un cas comme dans l’autre, malgré une reprise des ventes d’armes américaines entre 1971 et 1974, Washington perd la main et ne peut plus influer sur la répartition des commandes dans la région. Très vite, ne voulant pas risquer de se trouver désarmés par rapport à leurs voisins, les régimes militaires s’engagent dans une course aux armements qui échappe à Washington et qui conduit au résultat strictement inverse de celui escompté par le Congrès américain.

35L’Argentine, toujours rétive, profite de l’embargo sur les céréales soviétiques décrété par Carter en 1980, après l’invasion soviétique en Afghanistan, pour s’engouffrer dans ce marché désormais disponible, s’opposant ainsi ostensiblement à la stratégie d’étouffement mise en place par la Maison Blanche. Lorsque Washington découvre en outre que la junte prévoit de se doter d’un programme d’armes nucléaires, le gouvernement commence à penser qu’il vaudrait peut-être mieux se rapprocher de cet « allié » décidément bien peu fiable, et discuter, négocier avec lui, plutôt que de poursuivre une politique d’ostracisme qui manifestement va à l’encontre des intérêts américains. Dès la fin de son mandat, Jimmy Carter obtient du Congrès une augmentation de l’aide financière à l’Argentine. La Realpolitik fait son retour.
S’agissant des droits de l’Homme, les progrès immédiats ne convainquent guère. La répression chilienne semble certes marquer le pas à partir de 1977. Est-ce dû aux menaces et aux restrictions de Washington, ou au fait qu’au bout de trois années de persécutions intenses, l’opposition est muselée ? Quant aux régimes brésilien, argentin, uruguayen et paraguayen, parmi les plus répressifs de la fin de la décennie, ils n’ont nullement tenu compte des menaces américaines. Rarement, d’ailleurs, l’Amérique latine a compté autant de dictatures que pendant la présidence de Jimmy Carter. La politique de ce dernier et du Congrès mérite sans doute d’être évaluée à plus long terme.

Des « amis », certes, mais secondaires

Le rapprochement

36L’élection de Ronald Reagan accentue le retour à la Realpolitik. Désormais, les dictateurs sud-américains sont de « vieux amis ». Dans le cadre idéologique de la lutte contre « l’empire du mal », l’heure n’est plus aux états d’âme et à la moralisation. Ronald Reagan partage la plupart des idées et des principes de Richard Nixon et Henry Kissinger sur à la fois l’Amérique latine et les intérêts géopolitiques, mais il bénéficie d’un contexte nettement plus favorable à une politique sécuritaire que Nixon. Après le traumatisme du Vietnam et les humiliations subies par l’Amérique de Jimmy Carter, le mot d’ordre est de rétablir une Amérique forte et puissante. De plus, le nouveau gouvernement républicain considère l’Atlantique-Sud comme revêtant une importance stratégique croissante dans la lutte contre l’expansion soviétique. De fait, les considérations humanitaires repassent au second plan.

37L’une des principales influences idéologiques émane de Jeane Kirkpatrick, démocrate ultra-conservatrice, nommée ambassadeur à l’ONU par Ronald Reagan. Dans un article célèbre paru en 1979 et intitulé « Dictatorships and Double Standards », elle entreprend de déculpabiliser les tenants d’un soutien inconditionnel aux « régimes autoritaires » d’extrême droite qui partagent les mêmes objectifs stratégiques que les États-Unis. Sa conclusion est sans appel : « Les gouvernements autoritaires traditionnels sont moins répressifs que les autocraties révolutionnaires, ils sont plus susceptibles de libéraliser leurs pratiques, et ils sont plus compatibles avec les intérêts des États-Unis? [37][37]Jeane Kirkpatrick, « Dictatorships and Double Standards »,…. » Avec le général Vernon Walters, qui officie sur la scène interaméricaine depuis les années 1950, Jeane Kirkpatrick devient l’éminence grise du président Reagan sur l’Amérique latine.

38Les deux premières années de la présidence Reagan s’inscrivent dans la ligne du rapprochement : les critiques sur la violation des droits de l’Homme sont mises en sourdine ; les voyages officiels se multiplient au plus haut niveau ; les crédits bilatéraux ou multilatéraux reprennent ; le gouvernement tente enfin de ressusciter l’assistance militaire à la région, afin de rétablir la présence de techniciens et de conseillers américains. Mais le Congrès à majorité démocrate renâcle. De 9 millions de dollars en 1981, cette assistance passe bien à 43 millions en 1984, mais l’amélioration bénéficie beaucoup moins aux dictatures du Cône sud qu’aux pays andins engagés dans la lutte contre le narcotrafic.

39Le vice-président Bush et le responsable de l’Amérique latine au ministère des Affaires étrangères, Thomas Enders, se rendent au Brésil dès 1981, pour convaincre le Congrès de participer à la lutte contre la guérilla marxiste en Amérique centrale. En vain. La lutte contre « l’empire du mal » n’intéresse pas les Brésiliens qui voient plutôt le monde en termes de relations économiques et d’opposition Nord/Sud, plutôt qu’Est/Ouest. Le rapprochement demeure plutôt tiède.

40Lors de son voyage au Chili, Jeane Kirkpatrick parvient à renouer un contact chaleureux avec les autorités et le gouvernement nomme comme ambassadeur James Theberge, ouvertement favorable à Augusto Pinochet. Au Sénat, le dictateur jouit également du soutien du sénateur ultra-conservateur Jesse Helms. Cependant, le Congrès s’obstine à exiger des améliorations significatives sur les droits de l’Homme. Or Augusto Pinochet ne fait aucun effort pour démocratiser ses pratiques et le minitère des Affaires étrangères se divise sur l’attitude à adopter à son égard. L’embellie sera donc limitée.

41L’entreprise de séduction à l’égard de Buenos Aires produit de meilleurs résultats. Entre la Maison Blanche et l’Argentine, qui cherche à exporter sa propre idéologie et qui, fidèle à sa tradition historique, souhaite jouer un rôle de premier plan en Amérique latine, il existe dès lors une collusion d’intérêts indéniable? [38][38]Ariel C. Armony, Argentina, the United States, and the…. Buenos Aires accepte donc de collaborer en Amérique centrale. Elle conseille les contras et organise la contre-révolution. Le Honduras accorde quant à lui l’autorisation d’utiliser son territoire. Cette répartition des tâches permet au gouvernement Reagan de demeurer à l’arrière-plan de l’opération antisandiniste, protégé par l’Argentine placée en première ligne. Parallèlement, sous la pression du gouvernement, le Sénat lève les restrictions sur les exportations d’armes à destination de Buenos Aires. Le président doit garantir l’existence de progrès en matière de respect des droits de l’Homme. Qu’à cela ne tienne, il s’empresse de se féliciter de « récentes améliorations ».

42En décembre 1981, le général Galtieri prend le pouvoir. Formé dans une école militaire américaine, maîtrisant raisonnablement l’anglais, amoureux de l’American way of life, Galtieri, au contraire de son prédécesseur, pense réellement avoir une relation privilégiée avec Washington. C’est bien un pro-américain qui s’installe à la Casa Rosada. En d’autres termes, en 1982, l’Argentine apparaît comme l’un des meilleurs alliés de Ronald Reagan. Dans ces conditions, lorsque le président Galtieri donne le feu vert, en avril, aux tout premières manœuvres contre les Malouines, il peut légitimement penser qu’il recevra le soutien inconditionnel de son « ami » du Nord, au nom de la doctrine Monroe.

43Pour tenter de mettre fin aux hostilités, le secrétaire d’État Alexander Haig s’épuise dans une navette diplomatique, entre Londres, Washington et Buenos Aires. Ce conflit à propos d’un « morceau de terre où règne un froid glacial », selon la formule de Ronald Reagan, déchire le gouvernement américain, pris au dépourvu par une crise qu’il n’a pas vu venir. Parmi les responsables de haut niveau, à la Maison Blanche comme au ministère des Affaires étrangères, peu ont une connaissance approfondie de l’Amérique latine. Menés par Jeane Kirkpatrick, la plupart des latino-américanistes du ministère souhaitent que leur pays demeure neutre ou qu’il soutienne une souveraineté conjointe. Le principal argument qu’ils invoquent en faveur de l’Argentine relève directement de la stratégie de la guerre froide : il s’agit de préserver un front uni face à l’expansion marxiste en Amérique centrale et, dopés par le sénateur Helms? [39][39]Congressional Quarterly Weekly, 1er mai 1982, p. 1014., ils reconnaissent en cela l’importance du rôle alors joué dans la région par les Argentins. Pour le Bureau des Affaires européennes du ministère des Affaires étrangères et, plus largement, pour la majeure partie du gouvernement, la relation historiquement privilégiée avec la Grande-Bretagne ne saurait se comparer avec celle tout récemment construite auprès d’un régime aux pratiques discutables, dont les ambitions nucléaires inquiètent. Caspar Weinberger, secrétaire à la Défense, accorde quant à lui un soutien inconditionnel aux Britanniques. La médiation d’Alexander Haig ne sert en fait qu’à donner le change au reste du continent américain et à la communauté internationale. Utiliser l’Argentine comme paravent en Amérique centrale est une chose, la soutenir dans son élan martial en est une autre. En outre, aux yeux du droit international, son attaque sur les Malouines se justifie difficilement. Le Congrès, dans sa très grande majorité, souhaite également que soit accordé un soutien clair à la Grande-Bretagne. Enfin, et c’est sans doute, au fond, la raison principale, Ronald Reagan a besoin de la co-opération totale de Margaret Thatcher dans le cadre de la guerre froide et du renforcement de l’OTAN, plus qu’il n’a besoin de celle de l’Argentine sur la scène latino-américaine.
Le 30 avril 1982, Alexander Haig déclare officiellement que les États-Unis accorderont leur soutien à la Grande-Bretagne. Le 14 juin, après une guerre éclair, l’Argentine se rend. L’autorité britannique est rétablie sur les Malouines. Dans la foulée, la dictature s’écroule et la démocratie revient sur la scène argentine, initiant ainsi le processus de démocratisation de toute l’Amérique du Sud. Le Chili sera le dernier à réinstaller la démocratie, en 1989.

Le virage démocratique

44La guerre des Malouines sonne le glas de la relation privilégiée entre Washington et les dictatures militaires de la région. Celles-ci ne croient plus aux manifestations d’amitié des Américains et l’élan martial argentin démontre le danger que ces régimes peuvent représenter au plan international. Après des années de persécutions, la menace de la guérilla marxiste est en net reflux dans le Cône sud. Le pragmatisme politique dicte sa loi : la raison d’être de la collaboration avec les militaires n’est plus. Deux autres dangers dominent désormais les relations interaméricaines : un endettement gigantesque et l’expansion du narcotrafic.

45Avec le retour de la démocratie en Argentine et dans la plupart des pays d’Amérique du Sud, l’idéologie reaganienne des premières heures s’effondre. Ravis de pouvoir soutenir le type de régime qu’ils ont toujours appelé de leurs vœux, une démocratie non marxiste, les États-Unis déclarent officiellement ne pouvoir « accepter que ces gouvernements démocratiques soient renversés par les militaires? [40][40]Elliott Abrams, cité dans Thomas Carothers, In the Name of… ». Fin des alliances encombrantes. Ici et là, l’U.S. Information Agency et le National Endowment for Democracy lancent des programmes d’assistance à la démocratisation. L’effort demeure cependant limité, car la région, au fond, n’intéresse plus le gouvernement, qui « a bien accueilli la tendance démocratique » naissante, mais « principalement en tant que spectateur applaudissant à un événement lointain? [41][41]Ibid., p. 142. ».

46Deux dictatures résistent pourtant : celles des généraux Stroessner au Paraguay et Pinochet au Chili. En tous points semblables à la politique de Jimmy Carter, les pressions exercées sur elles par le ministère des Affaires étrangères à partir de 1985 peuvent surprendre. À l’ONU, la délégation américaine ne défend plus le Chili sur la question des droits de l’Homme. Le nouvel ambassadeur à Santiago, Harry Barnes, n’a de cesse d’encourager l’opposition modérée et de faire comprendre aux militaires et aux milieux d’affaires l’importance que Washington attache désormais à la transition démocratique. Dans le même temps, signe de son ambivalence, le gouvernement continue à craindre la conspiration communiste dans la région. À la Maison Blanche comme au ministère de la Défense et à la CIA, les partisans d’une ligne dure n’ont pas renoncé, mais, cette fois-ci, surfant sur la vague de l’Histoire, le ministère des Affaires étrangères aura le dernier mot.
À la lumière des relations ambiguës entre Washington et les régimes militaires sud-américains, nous pouvons dégager plusieurs conclusions. Tout d’abord, selon les termes du politologue et ambassadeur Alain Rouquié, « rares sont les armées qui obéissent passivement aux injonctions de Washington […]. Enjeux internes développant des intérêts corporatifs spécifiques, les armées répondent avant tout à la dynamique sociale dont la dépendance externe est un élément conditionnant mais non explicatif? [42][42]Alain Rouquié, op. cit., p. 189. ». La dépendance à l’égard de Washington varie certes selon les pays, mais elle a toujours été faible dans les grandes nations d’Amérique du Sud sur lesquelles a porté notre analyse. L’alliance avec le Nord ne dure que le temps des intérêts communs. Elle s’effrite dès que ceux-ci faiblissent et dès que l’« intérêt national » semble être en danger. Or les dictatures sont très habiles à manipuler cette idée, difficilement définissable et à géométrie variable. Soumise à de multiples aléas, cette alliance déclenche également des remous au sein de la démocratie américaine et les termes « Washington », « États-Unis », si communément employés, ne reflètent jamais la complexité du processus de prise de décision et des débats internes au gouvernement américain. Enfin, comme l’illustre l’ère reaganienne, témoin du retour de la démocratie sud-américaine alors qu’elle soutenait des dictatures, l’influence des États-Unis sur l’évolution de la plupart des pays d’Amérique latine n’est pas significative. L’évolution politique d’un pays à un moment donné implique les éléments les plus fondamentaux du tissu culturel, politique, économique et social de ce pays. La notion selon laquelle un acteur externe peut avoir un effet profond et durable par l’utilisation de moyens diplomatiques, économiques, voire militaires, mis en œuvre sur une durée relativement courte, ne tient nul compte des complexités et des réalités qui président à la façon dont les sociétés sont faites et à la façon dont elles évoluent? [43][43]Thomas Carothers, op. cit., p. 257..

Notes

John F. Kennedy cité dans Arthur M. Schlesinger, A Thousand Days, New York, Fawcett Premier, 1965, p. 704. Rafael Leonidas Trujillo était un dictateur de droite, président de la République dominicaine.

Il existe cependant des variantes, où un régime militaire met en avant une politique nationaliste hostile à toute forme d’ingérence américaine. Le cas le plus marquant est, au cours de la période étudiée ici, celui du Pérou, pendant la présidence du général Velasco.

Ce terme peut recouvrir des positions fort différentes, entre le législatif et l’exécutif et, au sein de celui-ci, entre la Maison Blanche, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense.

L’historique de l’USSOUTHCOM est disponible sur son site officiel : http://www.southcom.mil.

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Réflexion datée du 27 août 1973, au moment où il perd la confiance des autres généraux et est remplacé à la tête de l’armée par le général Augusto Pinochet. (Carlos Prats, Una vida por la legalidad, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1976, p. 87)

United States Congress, Senate, « Covert Action in Chile, 1963-1973 », Staff Report of the Select Committee to Study Governmental Operations with Respect to Intelligence Activities, 94th Congress, 1st session, 18 décembre 1975, p. 28.

The National Security Archive, « New Kissinger “Telcons” Reveal Chile Plotting at Highest Levels of U.S. Government », President/Kissinger Telcon, 16 septembre 1973, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB255/ index.htm.

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Conversation de l’ambassadeur avec l’amiral Massera, 16 mars 1976, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB185/index.htm.

Mémorandum d’une conversation de Kissinger du 10 juin 1976, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB133/index.htm.

Propos du 7 octobre 1976, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB104/index.htm.

Ibid.

Lire à ce sujet John Dinges, The Condor Years, New York, The Free Press, 2004 ; Peter Kornbluh, The Pinochet File, New York, The Free Press, 2003 ; National Security Archive, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB125/index.htm.

Henry Kissinger cité dans Lars Schoultz, Human Rights and United States Policy Toward Latin America, Princeton, Princeton University Press, 1981, p. 112.

Jeane Kirkpatrick, « Dictatorships and Double Standards », Commentary, 68 (5), novembre 1979, p. 43.

Ariel C. Armony, Argentina, the United States, and the Anti-Communist Crusade, 1977-1984, Athens, Ohio University Center for International Studies, 1997, p. 64-67.

Congressional Quarterly Weekly, 1er mai 1982, p. 1014.

Elliott Abrams, cité dans Thomas Carothers, In the Name of Democracy : U.S. Policy Toward Latin America in the Reagan Years, Berkeley, University of California Press, 1991, p. 135.

Ibid., p. 142.

Alain Rouquié, op. cit., p. 189.

Thomas Carothers, op. cit., p. 257.

 

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