L’association ¿Dónde Están ? fondée en 1997 en France réclame vérité et justice pour les crimes contre l’Humanité et violations des droits humains commis par le terrorisme d’Etat en Uruguay (1968-85), combat leur impunité et exige des garanties de non-répétition. Elle se bat en particulier pour connaître le sort des disparus uruguayens pendant cette période.
- Une dictature de civils et militaires violente, à l’ombre du plan Condor
Le 27 juin 1973, le président Juan María Bordaberry avec le soutien des militaires dissout le parlement. Ce coup d’Etat démarre une dictature de civils et de militaires qui dure jusqu’en mars 1985.
Des militaires dans les salons du Parlement uruguayen le 27 juin 1973, jour du coup d’Etat
A partir de 1968, avec l’instauration d’un gouvernement autoritaire se succèdent des années de crise économique et de luttes sociales très durement réprimées. La centrale ouvrière unitaire (CNT, 1964), le mouvement des jeunes, des étudiants et le Frente Amplio (Front Elargi, 1971) se mobilisent en défense des droits et pour un monde meilleur. Les groupes de lutte armée actifs pendant cette période, dont le principal, le MLN-Tupamaros, avaient été pratiquement décimés avant le coup d’Etat de 1973 par les méthodes brutales de la police et de l’armée.
Pendant les années dites du terrorisme d’Etat, la répression féroce des mouvements politiques et syndicaux qui résistaient a fait près de 10 000 prisonniers politiques, systématiquement torturés, sur une population de trois millions d’habitants. 380 000 uruguayens ont été contraints à l’exil. Il y a eu environ 200 disparitions forcées et plus de 200 assassinats politiques. 13 enfants ont été victimes de disparition forcée.
La doctrine de « sécurité nationale » s’est imposée dans tous les domaines : éducation, culture, information, activité syndicale, politique, sociale, au bénéfice d’un système économique ultra-libéral.
La dictature uruguayenne, alliée des dictatures d’Argentine, Bolivie, Brésil, Chili et Paraguay, échangeait avec celles-ci des renseignements, des prisonniers et des méthodes de répression grâce au Plan Condor supervisé par les Etats-Unis.
La solidarité internationale et la dénonciation du gouvernement de facto par les organisations de défense des droits humains ont joué un rôle dans le combat contre la dictature.
Après avoir perdu un referendum convoqué en 1980 pour perpétuer leur régime, les militaires sont contraints d’organiser des élections en 1984 et quittent le pouvoir en mars 1985.
- Une loi d’impunité négociée par les militaires, jamais abrogée mais « interprétée »
En échange du retour à la démocratie et de l’amnistie des prisonniers politiques, les militaires négocient leur impunité avec les partis politiques. Elle prend la forme juridique de la “loi de caducité de la prétention punitive de l’Etat” ou loi d’impunité, adoptée par le parlement en décembre 1986.
Cette loi interdit toute poursuite judiciaire contre des militaires et des policiers pour des délits commis dans l’exercice de leurs fonctions pendant la période de facto. Une résistance à cette loi s’organise tout de suite en Uruguay. Elle culmine en 1989 par un referendum sur son abrogation. Les opposants à l’impunité perdent ce referendum. Un deuxième referendum pour abroger cette loi, en 2009, est de nouveau perdu, de justesse. La terreur si longtemps imposée dans ce petit pays est longue à surmonter et les tenants de l’impunité ont aussi le pouvoir économique et les médias.
Entretemps, la gauche unie du Frente Amplio accède au gouvernement en mars 2006 et est reconduite aux élections de 2009 et de 2014. En 2011, une Loi interprétative de la loi de caducité est promulguée. Elle exclut de la loi de caducité les crimes contre l’Humanité, imprescriptibles.
En vertu de cette loi, les inculpations des militaires et policiers tortionnaires, assassins, violeurs, auteurs de disparitions forcées, deviennent possibles. Les innombrables recours pour soi-disant « inconstitutionnalité » déposés par les avocats des répresseurs ont outrageusement ralenti les procédures. La Cour Suprême de Justice a pris des positions contradictoires et souvent en opposition aux traités internationaux de droits humains ratifiés par l’Uruguay.
Depuis mars 2020 la droite alliée à l’extrême droite est au gouvernement. Le parti militariste Cabildo Abierto qui réunit les nostalgiques de la dictature multiplie, depuis la coalition au pouvoir, les initiatives pour imposer une impunité définitive.
Fin 2023, une cinquantaine d’auteurs de graves violations des droits humains seulement étaient jugés et condamnés en Uruguay. Près de la moitié bénéficient d’une assignation à domicile.
- Le combat pour les disparus et contre l’impunité en Uruguay
Le 20 mai 1996, une 1ère Marche du silence est organisée à Montevideo par les familles des disparus. Le 20 mai est l’anniversaire de la mort de Zelmar Michelini et d’Héctor Gutiérrez Ruiz, deux parlementaires uruguayens enlevés et assassinés en Argentine en 1976 pour avoir résisté à la dictature.
Depuis les années 1980, la mobilisation pour les disparus, initiée pendant la dictature, en parallèle avec celle menée en Argentine par les « Mères de la Place de Mai », rencontre un écho croissant auprès de la population. Depuis 1996, tous les ans, la Marche du silence pour réclamer Mémoire, Vérité et Justice réunit des dizaines de milliers de personnes à Montevideo et dans d’autres villes du pays. En 2020 et 2021 elles ont été « virtuelles » mais non moins impressionnantes. L’association des Mères et des Familles de Disparus Uruguayens devient une référence majeure dans la société uruguayenne. La lutte pour les disparu-es est l’affaire de tous.
- La création de ¿Dónde Están? en France
C’est pour accompagner ce mouvement qu’est créée à Paris l’association loi 1901 ¿DóndeEstán? dont les statuts sont déposés en Juillet 1997.
Rassemblement Place de l’Uruguay (Paris)- 22 décembre 2005
L’appel lancé en France rencontre immédiatement une forte adhésion de la part des résidents uruguayens et obtient la solidarité de militants français et d’autres pays d’Amérique Latine. En plus de 25 ans d’existence, ¿Dónde Están? a organisé de nombreuses activités pour sensibiliser le public français et international à la cause des disparus et à la lutte contre l’impunité en Uruguay, pour soutenir les familles et les collectifs qui se battent en Uruguay pour vérité et justice et pour exiger des garanties de non répétition de l’arbitraire et des atrocités du terrorisme d’Etat.