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Quelques repères chronologiques de l’histoire récente en Uruguay

1971 : Novembre. Dans un contexte de crise économique et de luttes sociales qui durent depuis plusieurs années, en présence d’un groupe de guérilla urbaine, le Mouvement de Libération Nationale (Tupamaros), le candidat de la droite, Juan María Bordaberry, est élu président de la République à l’issue d’un scrutin entaché de fraude.

1972 : Avril . L’Etat de guerre est instauré et une Loi de Sécurité de l’Etat mise en œuvre.

Les forces armées prennent en charge la répression. Instauration de la justice militaire. Généralisation de la torture. Censure de la presse.

1973 : 27 juin : coup d’Etat civico-militaire. Bordaberry et les forces armées dissolvent le parlement. Les syndicats déclenchent une grève générale.

A partir du coup d’Etat, suspension de toutes les libertés publiques et individuelles. Dissolution des syndicats, de la Fédération des étudiants universitaires, fermeture des journaux d’opposition. Des milliers de prisonniers politiques sont retenus dans un stade municipal.

Des milliers d’Uruguayens prennent le chemin de l’exil. La guérilla est décimée.

1976 : 11 janvier, arrestation du général Liber Seregni, leader de la gauche, condamné en 1978 à 14 ans de prison.

20 mai : assassinat à Buenos Aires d’Héctor Gutiérrez Ruiz, président de la Chambre des Députés et du sénateur ZelmarMichelini.

Des dizaines d’Uruguayens sont séquestrés et disparaissent en Argentine dans le cadre du Plan Condor.

12 juin : destitution de Bordaberry par les forces armées qui désignent, provisoirement Alberto Demicheli, puis choisissent Aparicio Méndez nommé président jusqu’en 1981.

Une des premières mesures de Méndez fut la signature d’Actes Institutionnels proscrivant toute activité politique.

1980 : 30 novembre, la dictature essaie de perpétuer son pouvoir à travers une réforme constitutionnelle soumise à référendum et rejetée à 57,9%.

1981 : 1er septembre, le général Gregorio Alvarez est nommé par ses pairs à la tête de l’Etat.

1982 : avril, fondation de l’Association sociale et culturelle des étudiants de l’enseignement public, ASCEEP.

Novembre : élections internes dans les partis de droite et de centre-droit tolérés par le régime militaire. Les tendances opposées aux militaires obtiennent une large victoire.

1983 : 25 Septembrel’ASCEEP organise une importante manifestation à laquelle participent 80 000 personnes. Dans la soirée, important concert de casseroles et extinction volontaire des feux.

27 novembre : gigantesque manifestation contre la dictature : “Pour un Uruguay sans exclusions”.

1984 : 18 janvier, grève générale.

19 mars : libération du général Seregni

16 juin : retour en Uruguay de Wilson Ferreira Aldunate, leader du PartidoNacional, exilé depuis 1973. Ferreira Aldunate est emprisonné et on lui interdit de se présenter aux élections présidentielles.

23 août : Pacte du Club Naval entre les militaires, le FrenteAmplio (gauche), le Parti Colorado (droite) et l’Union Civique (démocratie chrétienne). La gauche accepte des élections générales avec des partis proscrits et sans la participation du leader nationaliste Wilson Ferreira Aldunate du PartidoNacional, principal favori, et le général Liber Seregni (FrenteAmplio).

27 novembre : Julio María Sanguinetti, du Partido Colorado, candidat préféré des militaires, élu président avec 40,97% des suffrages.

1985 : 8 mars, loi d’amnistie. Les prisonniers politiques sont libérés.

Les personnes condamnées pour des crimes de sang sont rejugées par des tribunaux civils.

Retour de nombreux exilés.

1986 : 22 Décembre, sous la pression des militaires et du président Julio María Sanguinetti le parlement vote la Loi 15.848, dite de caducité de la prétention punitive de l’Etat qui garantit l’impunité pour tous les militaires responsables de violations des droits de l’Homme et auteurs de crimes contre l’Humanité pendant la dictature.

1989 : 16 avril, référendum pour abroger la loi de caducité. Les partisans du maintien de la loi d’impunité obtiennent la majorité par un scrutin qui s’est déroulé sous la pression du pouvoir exécutif, de la presse partisane (majoritaire), de la menace des militaires et fortement influencé par les rébellions militaires en Argentine.

1996 : 20 mai, première marche du silence pour les disparus. Relance de la lutte pour la vérité, la justice et la mémoire. Cette marche a lieu, depuis, tous les ans avec une ampleur croissante

Création en France de l’association ¿Dónde Están ?

2000 : 1º avril, le président Jorge Batlle annonce publiquement que Macarena Gelman, petite- fille du poète Juan Gelman, a été retrouvée. Née en captivité à Montevideo, elle a été enlevée par un commissaire de police. Sa mère enlevée en Argentine et transférée en Uruguay (Plan Cóndor) a été assassinée quelques semaines après son accouchement.

9 août : le gouvernement de Batlle crée la Commission pour la Paix

2004 : novembre, élection de TabaréVázquez, premier président de gauche de l’Uruguay.

2005 : le président Vázquez refuse d’annuler la loi d’impunité, mais oriente de façon systématique les plaintes vers la justice et ouvre les casernes pour permettre la recherche des corps des disparus.

Le corps des deux premiers disparus, Ubagesner Chavez Sosa et Fernando Miranda, sont retrouvés, enterrés dans des terrains militaires.

2006 : 16 novembre 2006, Bordaberry est inculpé pour les assassinats du sénateur ZelmarMichelini, du président de la chambre des députés, Héctor Gutiérrez Ruiz et d’autres militants politiques.

2009 : 19 octobre, la Cour Suprême déclare inconstitutionnelle la loi de caducité.

22 octobre, l’ancien dictateur uruguayen, le général Gregorio Alvarez est condamné à 25 ans de prison pour 37 homicides.

 25 novembre, un référendum d’initiative populaire ne réussit pas à annuler la loi d’impunité.

2010 : 9 février, la juge Mariana Mota condamne le dictateur Bordaberry à 30 ans de prison pour attentat à la constitution, neuf disparitions et des crimes d’homicide politique.

1er Mars, José Mujica, ex-Tupamaro, assume la présidence pour le FrenteAmplio

5 mars, le procureur MirthaGuianze demande une peine de 30 ans de prison pour Bordaberry et l’ex-chancelier Juan Carlos Blanco pour l’assassinat de Michelini, Gutierrez Ruiz, Rosario del Carmen Barredo et William Whitelaw.

2011 : 24 février, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme condamne l’Etat uruguayen pour la disparition de Macarena Gelman et demande l’annulation de la loi de caducité.

21 octobre, un troisième corps de disparu, Julio Castro, est retrouvé dans le terrain d’une caserne.

28 octobre, approbation de la Loi 18.831, loi interprétative de la loi de caducité, dont l’article 3 établit que les crimes commis pendant la dictature sont des crimes contre l’Humanité qui ne se prescrivent pas. Cette loi permet la rouverture de nombreuses affaires de droits humains.

28 octobre, 28 femmes ex-prisonnières politiques déposent des plaintes contre une centaine des militaires qui ont participé à la torture et aux violences sexuelles pendant le terrorisme d’Etat.

Des plaintes qui couvrent la période 1972 – 1985 portent sur des accusations de crimes contre l’humanité commis de façon systématique et planifiée.

2012 : 15 mars, le corps du disparu Ricardo Blanco est retrouvé dans un terrain militaire

21 mars, le Président José Mujica reconnait la responsabilité de l’Etat uruguayen dans le cas Gelman.

2013 : 22 février, la Cour Suprême de Justice déclare inconstitutionnels les articles 2 et 3 de la Loi 18.831 et rétablit l’impunité. Elle soutient que les assassinats, tortures, disparitions forcées et l’appropriation des enfants perpétrés par les militaires ne sont pas des crimes contre l’humanité et sont prescrits.

Elle rejette aussi le verdict de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Cela entraîne le classement de nombreux dossiers.

2015 : 1er Mars, Tabaré Vazquez succède à José Mujica pour le FrenteAmplio

15 septembre, le général Pedro Barneix se suicide au moment où il est arrêté pour l’assassinat du militant Aldo Perrini en 1974

2017 : février, Neuf personnes : avocats, procureurs, juristes, engagées dans les procédures judiciaires contre les crimes de la dictature, reçoivent des menaces de mort de la part d’un « Commando Barneix ». Le magistrat Louis Joinet, la procureur MirthaGuianze et l’avocat Oscar Lopez Goldaracena font partie des menacés.

Octobre, la Cour Suprême de Justice uruguayenne rend une nouvelle sentence d’inconstitutionnalité contre les articles 2 et 3 de la Loi 18.831

2018 : A différentes occasions, le commandant en chef des Forces Armées Guido Manini Rios fait des déclarations de soutien aux militaires inculpés pour des crimes contre l’Humanité commis pendant la dictature

2019 : 10 mars. Fondation du parti d’extrême droite CabildoAbierto par des proches de Manini Rios.

13 mars. Le président Tabaré Vazquez destitue le commandant en chef Manini Ríos pour avoir mis en question les décisions de Justice concernant trois ex-militaires (Jorge Silveira, José Gavazzo et Luis Maurente) condamnés pour des crimes contre l’humanité multiples et gravissimes commis pendant la dictature.

1er avril, Le nouveau commandant en chef des armées ainsi que six autres hauts gradés de l’armée sont destitués suite à la publication dans la presse des actes de « Tribunaux d’Honneur » auxquels ils avaient participé. Ces actes révèlent des aveux de graves violations des droits humains de la part des ex-militaires présentés devant ce tribunal et qui n’ont pas été communiqués à la justice.

8 Juillet, La Cour d’Appel de Rome condamne à perpétuité 13 militaires et civils uruguayens pour des crimes contre l’humanité commis pendant la dictature, en particulier sur des personnes d’origine italienne.

27 août, Un nouveau corps est retrouvé enterré dans le terrain du bataillon N°13 où a fonctionné pendant la dictature un centre clandestin de détention. Il est identifié un mois plus tard comme étant celui d’Eduardo Bleier, militant communiste détenu et disparu en 1976.

27 octobre et 24 novembre, élections législatives et présidentielles. La droite s’allie au parti d’extrême droite militaire CabildoAbierto (11% des voix) pour obtenir la majorité parlementaire. Au deuxième tour de la présidentielle, le candidat du Parti National Luis Lacalle Pou l’emporte d’une courte majorité (50,79%) sur le candidat de la gauche.

2020 : 1er mars. Le président Lacalle Pou assume ses fonctions et met en place un gouvernement avec plusieurs ministres d’extrême droite.

8 juillet : Le Parlement adopte une loi d’urgence (Ley de Urgente Consideración :« LUC ») de 476 articles que les organisations syndicales et de défense des droits humains considèrent liberticide.

2021 : 8 Juillet. Suite à une campagne du FrenteAmplio et la centrale syndicale PiT-CNT qui a recueilli presque 800 000 signatures, une demande de référendum pour abroger 135 articles de la LUC est déposée à la Cour Electorale.

9 Juillet. La Cour Suprême de Cassation italienne confirme les condamnations de tous les ex répresseurs du plan Condor dictées en 2019.

3 Août. Trois sénateurs du parti CabildoAbierto déposent un projet de loi qui attribue l’assignation à résidence automatiquement aux auteurs de crimes contre l’Humanité de plus de 65 ans.

15 novembre. La Cour Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) rend une sentence (publiée le 20 décembre) condamnant l’Etat uruguayen à poursuivre activement les recherches et les procédures judiciaires concernant l’assassinat des trois Muchachas de abril DianaMaidanic, Laura Raggio et Silvia Reyes et les disparitions forcées de Oscar Tassino et Luis Gonzalez.

16 Novembre. Communication spéciale de cinq rapporteurs de l’ONU qui conteste le projet de loi d’assignation à résidence automatique pour les auteurs de crimes contre l’Humanité de plus de 65 ans.

9 Décembre. Manifestation massive à Montevideo contre ce projet.

2022

27 Mars. La demande d’abrogation des 135 articles de la LUC obtient 48,7% des voix au référendum. Les articles contestés sont maintenus.

2 Mai. Après la publication d’une lettre de 25 juristes de 12 pays adressée aux autorités le 13 avril et rendue publique le 28, le Ministre des Affaires étrangères adresse au Sénat un rapport de son service juridique qui met en doute la conformité du projet avec le droit international.

20 juillet. Le militaire retraité Juan Rebollo est inculpé avec prison préventive pour l’assassinat en 1974 des Muchachas de abril .

Décembre. L’ObservatorioLuzIbarburu dénombre un total de 34 condamnations pour des crimes du terrorisme d’Etat depuis 2010. Fin 2023, on compte 52 répresseurs condamnés ou inculpés et 23 autres sont décédés au cours d’une procédure judiciaire ou après avoir été condamnés.

2023

7 Juin. Un nouveau corps de disparu-e est retrouvé enterré dans le terrain de la caserne du Bataillon 14 du département de Canelones.

15 Juin. Cérémonie publique de reconnaissance par l’Etat uruguayen de sa responsabilité dans l’assassinat des Muchachas de abril et les disparitions forcées d’Oscar Tassino et Luis Gonzalez, suivant le jugement de la CIDH . Le président Lacalle étant absent, la vice-présidente Beatriz Argimon représente le gouvernement.

2024

¿Dónde Están ? prend part activement, ainsi que plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU, à la campagne internationale de juristes contre un nouveau projet de loi d’assignation à résidence approuvé par le Sénat en décembre 2023 qui bénéficierait à tous les répresseurs condamnés en Uruguay. L’association a mobilisé des juristes de nombreux pays qui ont adressé aux autorités uruguayennes,  en mai 2024, un texte signalant les graves insuffisances, au regard du droit international, du nouveau projet.

En mai, le corps découvert en juin 2023 est identifié comme étant celui d’Amelia Sanjurjo, âgée de 40 ans, enceinte de son premier enfant, militante du Parti Communiste uruguayen, enlevée par les militaires le 2 novembre 1977 alors qu’elle marchait dans la rue.

30 juillet. De nouveaux ossements humains sont découverts dans le 14e bataillon d’infanterie à Toledo. On annonce leur identification le 24 septembre: il s’agit du corps de Luis Eduardo Arigón, militant communiste détenu et disparu en Juin 1977.

27 octobre et 24 novembre. Elections législatives et présidentielles. Le Frente Amplio remporte la majorité absolue au Sénat et la majorité relative à la chambre des députés, à deux sièges de la majorité absolue. La gauche remporte aussi le deuxième tour des présidentielles : Yamandú Orsi, président, et Carolina Cosse, vice-présidente, sont élus.