Repères chronologiques

[us_gallery ids=”14123,14132,14135,14134,14133,14131,14130,14129,14128,14127,14126,14125,14124″ columns=”5″ orderby=”rand” indents=”1″]

 

 

Repères chronologiques – URUGUAY

 

1966- 1970 : Suite à une réforme de la constitution, fin du régime collégial et retour au régime présidentiel (1966).

Décès du président élu Oscar Gestido (Centre droit) en 1967 et ascension du vice-président Pacheco Areco proche de l’extrême droite. Corruption dans le système financier, faillite de certaines banques.

Montée accélérée du chômage, grèves d’ouvriers et d’étudiants (1968).

Assassinat en 1968 de trois étudiants devenus symboles : Libert Arce, Susana Pintos et Hugo de los Santos.

Répression généralisée : des milliers de personnes sont incarcérées sans procès dans des casernes et locaux de la police.

Régime d’exception, suppression des garanties individuelles, politique de décrets présidentiels.

Novembre 1971 : Le candidat de la droite, Juan Maria Bordaberry, est élu président, dans des élections entachées de fraude.

Avril 1972 : Etat de guerre et Loi de sécurité de l’Etat. Les Forces Armées prennent en charge la répression. Instauration de la justice militaire. Généralisation de la torture. Censure de la Presse.

9 février 1973 : Rébellion militaire. Accord de Bordaberry avec les militaires. Création du Conseil de Sécurité Nationale (COSENA) par lequel le président partage le pouvoir avec les militaires.

27 juin : Coup d’Etat civique militaire. Bordaberry et les Forces Armées dissolvent le parlement. Les syndicats déclenchent une grève générale.

9 juillet : Fin de la grève générale. A partir du Coup d’Etat, suspension de toutes les libertés publiques et individuelles. Dissolution des syndicats (CNT), de la Fédération des étudiants universitaires (FEUU), fermeture des journaux. Des milliers de prisonniers politiques dans le stade municipal. Des milliers d’Uruguayens prennent le chemin de l’exil.

11 janvier 1976 : Arrestation du général Liber Seregni, leader de la gauche, condamné en 1978 à 14 ans de prison.

20 mai : Assassinat à Buenos Aires d’Hector Gutierrez Ruiz, président de la Chambre des Députés, et du sénateur Zelmar Michelini. Des dizaines d’Uruguayens sont séquestrés et restent disparus en Argentine dans le cadre du Plan Condor.

12 juin : Destitution de Bordaberry par les Forces Armées. Alberto Demicheli président provisoire.

1er septembre : Aparicio Mendez nommé président jusqu’en 1981. Une des premières mesures de Mendez est la signature d’Actes Institutionnels, qui établissent la proscription de toute activité politique. Ces actes constituent une série de normes de caractère constitutionnel qui remplacent la Carta Magna, le temps qu’en soit élaborée la réforme. Classement des citoyens en trois catégories, dispositif qui affecta la vie des citoyens notamment sur le plan du travail.

30 novembre 1980 : La dictature essaie de perpétuer son pouvoir à travers une réforme constitutionnelle soumise à referendum. Une large majorité des Uruguayens, 57,9%, rejette le projet des militaires.

1er septembre 1981 : Le général Gregorio Alvarez devient président.

Avril 1982 : Fondation de l’ASCEEP (Association sociale et culturelle des étudiants de l’enseignement public). Réactivation de la FUCVAM (coopératives de construction de logements).

Novembre : Elections internes dans les partis de droite et de centre-droit tolérés par le régime militaire. Les tendances opposées aux militaires obtiennent une large victoire. Les électeurs de la gauche, victimes de la répression et exclus des élections, suivent largement l’appel à voter blanc lance de la prison par son leader Liber Seregni.

1er mai 1983 : Les syndicats organisent une manifestation avec, pour mot d’ordre Liberté, Travail, Salaire et Amnistie ! “

Acte fondateur du PIT (Intersyndicale plénière des travailleurs).

16 septembre : Nouvelle journée de protestation.

25 septembre : L’ASCEEP organise une importante manifestation à laquelle participent 80 000 personnes. Dans la soirée important concert de casseroles et extinction volontaire des feux.

27 novembre : Gigantesque manifestation contre la dictature pour un Uruguay sans exclusions”

 18 janvier 1984 : Grève générale à l’appel du PIT et l’ASCEEP.

19 mars : Libération du général Seregni.

1er mai : Manifestation des travailleurs sous le mot d’ordre Un seul mouvement syndical ! “, Ce qui conduit a l’unification du PIT et de la CNT proscrite.

16 juin : Retour en Uruguay de Wilson Ferreira Aldunate, leader du Partido Nacional; exile depuis 1973. Il est emprisonné et interdit de se présenter aux élections présidentielles.

23 août : Pacte du Club Naval entre les militaires, le Front Elargi (gauche), le Parti Colorado (droite) et l’Union Civique (démocrate chrétien). La gauche accepte la tenue d’élections générales avec des partis proscrits et sans la participation de Wilson Ferreira Aldunate du Partido Nacional, principal favori, et du général Liber Seregni (Front Elargi).

27 novembre : Julio Maria Sanguinetti, du “Partido Colorado”, candidat préféré des militaires, est élu président avec 40,97% des suffrages.

8 mars 1985 : Loi d’amnistie. Les prisonniers politiques sont libérés. Les personnes condamnées pour des crimes de sang sont rejugées par des tribunaux civils. Retour des exilés.

22 décembre 1986 : Sous la pression des militaires et du président Julio Maria Sanguinetti le parlement vote la Loi 15.848 dite de Caducité de la prétention punitive de l’Etat qui garantit l’impunité pour tous les militaires responsables de violation des droits de l’homme et auteurs de crimes contre l’humanité pendant la dictature (1973-1985).

16 avril 1989 : Referendum pour abroger la Loi de Caducité. Les partisans du maintien de la loi d’impunité obtiennent la majorité lors d’un vote qui se déroule sous la pression du pouvoir exécutif, la menace des militaires, et fortement influencé par les rébellions militaires en Argentine.

20 mai 1996 : Première marche du silence pour les disparus. Relance de la lutte pour la vérité, la justice et la mémoire.

1er avril 2000 : Le Président Jorge Batlle annonce publiquement la “retrouvaille” de Macarena Gelman, petite fille du  poète Juan Gelman, née en captivité a Montevideo et volée par un commissaire de police. Sa mère, enlevée en Argentine et transférée en Uruguay avait été assassinée quelques semaines après son accouchement.

9 août : Le gouvernement de Batlle crée la Commission pour la Paix.

Novembre 2004 : Election de Tabaré Vazquez, premier président de gauche de l’Uruguay.

2005 : Le Président Vazquez refuse d’annuler la Loi d’impunité, mais transfère de façon systématique les plaintes vers la justice et ouvre les casernes pour la recherche des corps des disparus.

16 novembre 2006 : Bordaberry est inculpé des assassinats de Zelmar Michelini, Hector Gutierrez Ruiz et d’autres militants politiques.

22 octobre 2009 : L’ancien dictateur uruguayen Gregorio Alvarez est condamné à 25 ans de prison pour 37 homicides.

19 octobre : La Cour Suprême déclare inconstitutionnelle la Loi de caducité.

25 octobre : Un referendum d’initiative populaire ne réussit pas à annuler la Loi d’impunité.

9 février 2010 : La juge Mariana Motta condamne Bordaberry à 30 ans de prison pour attentat à la Constitution, neuf disparitions et crimes d’homicide politique.

5 mars : La procureure Mirtha Guianze demande une peine de 30 ans de prison pour Bordaberry et l’ex-chancelier Juan Carlos Blanco pour l’assassinat de Michelini, Gutierrez Ruiz, Rosario Barredo et William Whitelaw.

24 février 2011: La Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme condamne l’Etat uruguayen pour la disparition de Macarena Gelman et demande l’annulation de la Loi de caducité.

28 octobre : Approbation de la Loi 18.831, dont l’article 3 établit que les crimes commis pendant la dictature sont des crimes contre l’humanité et doivent être jugés.

28 octobre : 28 femmes ex-prisonnières politiques déposent des plaintes contre plus d’une centaine de militaires qui ont participé a la torture et à des violences sexuelles pendant le terrorisme d’Etat.

21 mars 2012 : Le Président José Mujica reconnait la responsabilité de l’Etat uruguayen dans la disparition de Macarena Gelman et l’assassinat de sa mère, acceptant le point N°12 de la résolution de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.

22 février 2013 : La Cour Suprême de Justice déclare inconstitutionnels les articles 2 et 3 de la Loi 18.831 et rétablit l’impunité. Dans son jugement, la Cour Suprême de Justice soutient que ” les assassinats, tortures, disparitions et les appropriations d’enfants perpétrés par les militaires ne sont pas des crimes contre l’humanité et sont prescrits “La Cour Suprême rejette aussi le verdict de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Cette décision de la Cour implique le classement de nombreux dossiers.

“Article 2 : Il ne sera tenu compte d’aucun délai, de procédure, de prescription ou de caducité, pendant la période comprise entre le 22 décembre 1986 et l’entrée en vigueur de la présente loi, pour les délits visés par l’article 1er de la présente loi.

Article 3 : Il est déclaré que les délits visés par les articles précédents, sont des crimes contre l’humanité en vertu des traités internationaux dont l’Uruguay est signataire.”

 

 

 

[us_separator size=”huge” thick=”5″ color=”primary”]

Colloque international – 21 mai 2013 –

URUGUAY: Le droit de savoir.

Les disparus pendant la dictature

1973-1985

Edition PDF: touchez l’image

[us_separator size=”huge” thick=”5″ color=”primary”]

Le colloque dans la presse française

MARIANA MOTA : L’honneur de la

magistrature uruguayenne

LA FEMME DE LA SEMAINE | 27 JUIN, 40E ANNIVERSAIRE DU COUP D’ÉTAT EN URUGUAY La juge, qui avait condamné l’ancien président Juan Maria Bordaberry, a été dessaisie des affaires relatives aux crimes de la dictature en Uruguay. En la matière, ce pays est très en retard par rapport à l’Argentine et au Chili

 

Mariana Mota a un physique frêle et une expression austère, sans fard, qui dissimulent un caractère bien trempé. Cette juge uruguayenne est devenue un symbole. En février, la Cour suprême de l’Uruguay l’a transférée d’un tribunal pénal à une juridiction civile. Par cette décision, elle a été dessaisie d’une cinquantaine d’affaires de violation des droits de l’homme sous la dictature (1973-1985).

A cette nouvelle, Guillermo Cedrez, président du Cercle militaire, qui regroupe les officiers du cadre de réserve, a exprimé sa joie. Selon lui, la magistrate mutée aurait ” manqué d’impartialité “. De leur côté, les défenseurs des droits de l’homme et les associations de victimes de la dictature ont manifesté leur indignation contre le dessaisissement d’une juge qui était parvenue à gagner leur confiance, après tant d’années où régnait l’impunité. Le 20 mai, ils effectuaient leur ” marche du silence ” annuelle à Montevideo, en mémoire des blessures de la dictature, avec pour mot d’ordre : ” Dans ma patrie, il n’y a pas de justice : qui sont les responsables ? “

Agée de 43 ans, Mariana Mota était enfant pendant les années de plomb ; elle n’a pas de comptes à régler avec cette époque. En 2012, elle avait accompagné la ” marche du silence “. Elle avait aussi accordé un entretien au quotidien argentin Pagina 12 sur la dette des Uruguayens à l’égard du passé. Tels sont les deux choses que lui reprochent ses détracteurs. L’une et l’autre ont été suivies d’enquêtes administratives, sans suite.

Les fils adolescents de la juge ont du mal à comprendre ses ennuis. Leur mère n’a pas plié. L’amnistie que se sont accordée les militaires avant de quitter le pouvoir ne l’avait pas empêchée, en 2010, de condamner l’ancien président Juan Maria Bordaberry, leur complice civil, au pouvoir de 1972 à 1976, à trente ans de prison.

En 2011, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a sommé l’Uruguay de juger les crimes contre l’humanité, arguant de leur caractère imprescriptible. La Cour suprême de Montevideo refuse le principe de la rétroactivité et l’imprescriptibilité, alors que les disparitions forcées constituent un crime continu.

” Le droit de savoir, de connaître la vérité est un droit de toute la société, et pas seulement des proches de la victime, confie Mariana Mota, venue à Paris le 21 mai pour un colloque sur les disparus organisé au Sénat par l’association Donde estan ? (” Où sont-ils “). Qu’adviendra-t-il des sentences qui étaient sur le point d’être rendues avant ma mutation ? La juge qui doit me remplacer mettra du temps à se familiariser avec les dossiers. Or ce retard contrarie l’arrêt de la CIDH. “

Pour la procureure Mirtha Guianze, ” la Cour suprême est une instance féodale, conservatrice “. La plupart des magistrats ont commencé leur carrière sous la dictature, et, assure-t-elle, ” celui qui est différent est défenestré “.

L’Uruguay a ratifié les textes internationaux sur les droits de l’homme, mais les juges se retranchent derrière le droit local. Mariana Mota, elle, n’a pas hésité à engager des poursuites. Ainsi, en 2011, elle est parvenue à condamner le colonel Carlos Calcagno. En 1977, ce dernier avait supervisé l’arrestation de deux Uruguayens au Paraguay, d’où ils ont été transférés vers l’Argentine, dans le cadre du plan Condor, la coordination répressive des dictatures sud-américaines. Les prisonniers n’ont jamais réapparu. Les ” archives de la terreur “, trouvées au Paraguay en 1992, fournissaient assez de preuves pour établir la responsabilité de Calcagno. N’empêche, la sentence a été critiquée par un ancien président, le libéral Jorge Batlle.

A l’évidence, les enquêtes de Mariana Mota ont dérangé la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 2005. L’actuel président, José Mujica, est un ancien guérillero et un ex-prisonnier politique, retenu en otage dans des conditions dégradantes pendant douze ans. ” L’Etat n’a pas une politique active en matière de droits de l’homme, déplore la juge Mota. Le système judiciaire n’a pas fait assez pour répondre aux familles qui veulent connaître la vérité. ” Les restes de quatre disparus (sur 200) ont été retrouvés dans des casernes. L’Uruguay est très en retard par rapport à l’Argentine et au Chili. ” Les magistrats chargés d’enquêter manquent d’équipes techniques, de ressources et de soutien du gouvernement, précise Mariana Mota. Le président Mujica, lui-même victime, n’a peut-être pas d’objectivité à l’égard de ceux qui réclament justice. “

La sénatrice de gauche Constanza Moreira croit que les anciens guérilleros éprouvent une ” culpabilité ” à l’égard de la répression. L’Uruguay a compté un nombre élevé de prisonniers politiques, de torturés, d’exilés, par rapport à sa population (3 millions d’habitants). La plupart ont obtenu réparation, mais l’exigence de justice n’a pas été satisfaite.

La gauche a soumis l’annulation de l’amnistie des militaires à un référendum, en 1989 et 2009, et elle a perdu les deux fois. La démocratie directe a contribué ainsi à opposer le suffrage universel et les droits de l’homme.

” Une partie de la gauche a une attitude ambivalente, souligne Denis Merklen, professeur à l’Institut des hautes études d’Amérique latine. José Mujica avait critiqué l’arrestation du dictateur chilien Augusto Pinochet à Londres, en 1998, au nom de la souveraineté nationale. De même, les injonctions de la CIDH sont vécues comme une ingérence. ” Mariana Mota, elle, incarne une conviction : ” Si les droits de l’homme, les droits individuels fondamentaux ne sont pas respectés, tous les autres droits perdent leur sens : ils sont la base de l’édifice juridique. “

Des magistrats européens s’organisent pour lui manifester leur solidarité. ” Mariana Mota a sauvé l’honneur de la magistrature uruguayenne, justifie le juriste français Louis Joinet. L’enjeu dépasse l’Uruguay. La décision de la Cour suprême constitue un grave précédent dont risquent de s’inspirer les Etats prédateurs, prompts à tourner la page pour qu’elle ne puisse être lue. “

Paulo A. Paranagua

© Le Monde

 

[us_separator size=”huge” thick=”5″ color=”primary”]

SUITE