Louis Joinet répond aux militaires anonymes

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« LE MAGISTRAT FRANÇAIS LOUIS JOINET MENACÉ DE MORT PAR

UN COMMANDO SECRET URUGUAYEN »

Tel est le titre peu amène du journal Brecha que vient de m’adresser un ami de Montevideo. Décidément, la vengeance est un plat qui se mange (très) froid chez les ex- tortionnaires uruguayens !  Comment aurais-je pu imaginer, quarante ans après, qu’une poignée d’officiers supérieurs à la retraite, anciens tortionnaires patentés que j’avais dénoncés en son temps, renoueraient avec leur lourd passé criminel en lançant des appels au meurtre ?

J’apprends en effet par ce journal, que je suis menacé d’assassinat pour je cite – « avoir dénoncé depuis la France les crimes commis par les militaires durant la dictature ».

La vérité m’oblige à reconnaître, Messieurs les militaires, que sans me cacher comme vous – qui n’avez que le courage de vous réfugier derrière l’anonymat – que vos reproches sont fondés et que j’en assume l’entière responsabilité. 

Oui j’ai effectivement pris la parole lors d’un débat organisé en en 2003 à Paris, où la Mairie de 3ème arrondissement nous avait accueillis pour débattre des disparitions forcées commises en Uruguay dans le cadre meurtrier de votre tristement célèbre Plan Condor.

Oui, j’ai récidivé le 21 mai 2013 en participant – toujours à Paris – à un colloque au Sénat sur la tragique pratique des disparitions forcées et des vols de la mort ;

Oui – et surtout – j’ai tenu de tels propos critiques en Uruguay même, à l’issue d’une mission que j’avais effectuée en 1976, mandaté par la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Hommes) pour enquêter sur les forfaits de la dictature dite « civico-militaire » du dictateur Juan Maria Bordaberry.

Je me souviens de ce dialogue surréaliste que j’avais eu lors de cette visite, avec ce magistrat au garde à vous qu’était Silva   Ledesma – paix à son âme – alors président du redoutable Tribunal Militaire Suprême. J’avais sollicité une audience qui à mal tourné. Alors que je lui présentais une liste de prisonniers à visiter il me rétorqua courtoisement mais perfidement « Ainsi donc, cher collègue « en France les juge soutiennent les terroristes ? »

Je lui ai rétorqué tout aussi courtoisement que, de juriste à juriste, je m’étonnais qu’il semble ignorer que la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme sans ambiguïté « qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint en suprême recours à la révolte contre la tyrannie. Et lui retournant son « cher collègue » je lui ai dit « Voyez-vous, il ne s’agit donc pas de terroristes mais de combattants de la liberté ». Evidemment, nous en sommes restés là et, sans un mot, il m’indiqua la sortie. Il faut dire que le dernier prisonnier qui figurait sur la liste que je venais de lui remettre s’appelait… José Mujica dit « Pépé Mujica» et quand elle tourne, la roue de l’histoire réserve d’étonnantes surprises : je l’ai rencontré 40 ans plus tard lorsque, séjournant à Montevideo pour participer à la Marche du silence, il m’a reçu pour me remercier. Entre temps il était passé du statut de terroriste à celui de… Président de la République.

Mais qui se cache derrière ce « Comando Barneix » et ses menaces de mort ? Peut-être y a-t-il une piste. En 1975 à l’occasion de ma mission pour la FIDH, j’avais enquêté sur l’affaire Aldo Perrini. Ce militant, simple sympathisant du Frente Amplio, avait été arrêté à son domicile en 1974 et transféré au 4ème Bataillon de Colonia – de triste mémoire – où il fut soumis, comme tant d’autres, à de terribles séances d’interrogatoire sous tortures jusqu’à en mourir.

Or, qui était présent, selon l’article de Brecha, dans la salle d’interrogatoire ? Un certain…Pedro Barneix ainsi que deux autres officiers complices militaires: José Puigvert et José Bodean.

En 2015, avec le retour de la démocratie, commencèrent certaines poursuites en justice contre d’anciens tortionnaires, dont…ce colonel Barneix. Le jour où un policier se rendit à son domicile pour le conduire au cabinet de la juge chargée de son dossier, il prit prétexte d’aller mettre ses chaussures, s’absenta quelques instants, et   …se tira une balle ans la tête !

Sa présence dans cette salle d’interrogatoire donne à penser, – mais sans être en mesure, en l’état, d’en rapporter la preuve – que ce sont probablement ces ex-militaires de haut rang qui, par esprit de vengeance et pour faire pression sur la justice, se cachent, avec quelques complices, derrière ce « Comando Barneix ». Leurs menaces sont proférées selon une méthode graduée manifestement destinées à exercer ce type de pressions. Une liste sur laquelle figure mon nom et celui de douze autres personnalités vouées par profession ou par engagement à la défense des Droits de l’Homme, est assortie de l’étonnant commentaire suivant.

Sur chacune de ces listes le nom de trois personnes sera tiré au sort et seront assassinées si les poursuites judiciaires contre les militaires ne cessent pas. Le nom de trois autres personnes sera également tiré au sort pour être exécutées pour tout nouveau suicide qui viendrait à se produire.

Face à vos menaces, Messieurs les militaires, je refuse de me laisser entrainer sur le sentier de votre haine. Pourquoi pas emprunter celui de la poésie. Espérant toucher votre cœur j’aimerais, comme antidote salutaire, terminer en partageant avec vous ce poème que j’ai composé à la mémoire de l’une des victimes uruguayennes de votre plan Condor, notre chère Norma Scopise. Comme le général Barneix, elle s’est – elle aussi – suicidée. Mais elle, ce n’était pas pour fuir la justice mais la torture dont elle avait tant souffert dans sa chaire quand je l’ai connue à la suite d’une première arrestation. Lorsqu’un soir elle a vu votre armée encercler son immeuble, elle s’est jetée par la fenêtre mais la mort… n’a pas voulu d’elle ! Son corps disloqué fut évacué par une ambulance de votre armée. Depuis, elle à rejoint la cohorte des disparus de ce terrible plan Condor. C’est à sa mémoire que je vous invite à lire ces quelques lignes que j’ai composées pour ne pas l’oublier.

 

Etais-je de Cordoba

De Dili de Djakarta

Erevan ou Bogota

       Je m’appelais

       Je m’appelle

           Norma

J’étais Je suis

Je ne suis plus

Je ne sais pas

Je ne sais plus 

Disparue enlevée

        Victime d’un crime

 Presque parfait

De lèse humanité

Je ne suis plus qu’une image

Une ombre évanescente

Lasse du temps qui passe

Disparue dans les cieux

  D’un vol de la mort

Demeuré mystérieux

Compagne de la diaspora

     De ces visages oubliés

         Invisible parmi vous

     Mais présente à vos côtés

Merci de ne pas m’oublier

—————————————————————————————–

Traducción de la carta del Magistrado Louis Joinet en español:

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“UN COMANDO SECRETO URUGUAYO AMENAZA

DE MUERTE AL

MAGISTRADO FRANCES LOUIS JOINET”

Este es el desagradable título del semanario “Brecha” que me envió en estos días un amigo de Montevideo. Seguramente, para los ex torturadores uruguayos,  la venganza es un plato que se come

¡(bien) frío! ¿Cómo habría podido imaginarme que, cuarenta años más tarde, un puñado de oficiales superiores jubilados, ex torturadores patentados, a los que yo había denunciado en esa época, recomenzarían con su triste pasado criminal enviando amenazas de muerte?

Por este semanario me entero de que estoy amenazado de muerte, por: “haber denunciado en Francia los crímenes cometidos por los militares durante la dictadura” 

La verdad me obliga a reconocer, Señores militares, pero sin ocultarme como ustedes que sólo han tenido la valentía de cobijarse en el anonimato, que sus quejas son fundadas y que asumo totalmente la responsabilidad de mis actos. 

Sí, es cierto que yo hablé en un debate organizado en 2003 en París, acogido por el Municipio de la 3ª. Circunscripción, para discutir sobre las desapariciones forzadas de Uruguay en el marco asesino de su tristemente célebre Plan Cóndor.

Sí, es cierto que reincidí el 21 de mayo del 2013 participando, siempre en París, en un coloquio en el Senado sobre la práctica trágica de las desapariciones forzadas y de los vuelos de la muerte.

 Sí, es cierto que -sobre todo- manifesté mis críticas en Uruguay, en el marco de una misión que realicé en 1976, mandatado por la FIDH (Federación Internacional de Derechos Humanos) para investigar sobre los crímenes de la dictadura cívico-militar del dictador Juan María Bordaberry.

Recuerdo aquel diálogo surrealista que tuve durante esa visita con el juez Silva Ledesma, que en paz descanse, el que se mantenía en posición de firme, y que presidía en ese entonces el Supremo Tribunal Militar. Yo le había pedido una audiencia que acabó mal. Cuando le mostré una lista de presos a los que quería visitar, me respondió cortés pero pérfidamente “¿Así pues que en Francia, querido colega, los jueces defienden a los terroristas?”

Le respondí con la misma cortesía que, de jurista a jurista, me asombraba que fingiera ignorar que la Declaración Universal de los Derechos Humanos afirma sin ambigüedad “que es esencial que los derechos humanos sean protegidos por un régimen de derecho para que nadie se vea obligado a la revuelta, como último recurso, contra la tiranía”. Y devolviéndole su “querido colega”, le dije “Vea usted, no se trata de terroristas sino de combatientes de la libertad”. Por supuesto, quedamos en esas y sin añadir nada más, me indicó la salida. Hay que señalar que el último preso que figuraba en la lista que le había mostrado se llamaba José “Pepe” Mujica. Cuando la rueda de la historia gira nos reserva sorpresas insólitas: lo vi 40 años más tarde cuando, estando en Montevideo para participar en la Marcha del Silencio, me recibió para agradecerme. Entre tanto había pasado del estatuto de terrorista al de … Presidente de la República.

Pero, ¿quién se esconde detrás de este « Comando Barneix » y sus amenazas de muerte? Quizás haya una pista. En 1975,con motivo de mi misión por la FIDH, yo había investigado sobre el caso Aldo Perrini. Este militante, simple simpatizante del Frente Amplio, fue detenido en su domicilio en 1974 y trasladado al 4to. Batallón de Colonia, de triste memoria, donde fue sometido, como tantos otros, a terribles interrogatorios bajo tortura hasta la muerte. 

Ahora bien ¿Quién estaba presente, según el artículo de Brecha, en la sala de interrogatorios? Un tal … Pedro Barneix en compañía de otros dos oficiales cómplices: José Puigvert y José Bodean.

Con el regreso a la democracia, la justicia comenzó algunas investigaciones contra ex torturadores, entre los cuales estaba… ese General Barneix. En 2015, cuando un policía fue a buscarlo a su domicilio para conducirlo a la oficina de la jueza encargada de su caso, pretextando ir a ponerse los zapatos, se ausentó un momento y … se tiró una bala en la cabeza.

Su presencia en aquella sala de interrogatorios da que pensar, sin poder aportar pruebas por el momento, que son probablemente esos ex oficiales superiores quienes por espíritu de venganza y para presionar a la justicia, se esconden, con otros cómplices, detrás de este “Comando Barneix”. Profieren sus amenazas con método graduado y seguramente con la finalidad de ejercer este tipo de presiones. A una lista en la cual figura mi nombre y el de otras doce personalidades, dedicadas, por profesión o por voluntad, a la defensa de los Derechos Humanos, le sigue este asombroso comentario: de esta lista se sorteará el nombre de tres personas que serán asesinadas si no cesan las investigaciones judiciales contra los militares. Se sorteará también el nombre de otras tres para ser ejecutadas, por todo nuevo suicidio que pudiera producirse.

Frente a sus amenazas, Señores militares, yo me niego a dejarme llevar por el sendero del odio. ¿Por qué no tomar el de la poesía? Esperando llegar a su corazón como antídoto saludable, quisiera terminar compartiendo con ustedes este poema que compuse en memoria de una de las víctimas uruguayas del Plan Cóndor, nuestra querida Norma Scopise. Como el general Barneix, ella también quiso suicidarse. Pero no para huir de la justicia sino de la tortura, la que la había hecho tanto sufrir, cuando la conocí después de una primera detención. Cuando una tarde vio al ejército rodear el edificio donde vivía, se tiró por la ventana, ¡pero no murió! Su cuerpo deshecho fue recogido por una ambulancia del ejército. Desde ese momento, pasó a integrar la cohorte de desaparecidos de ese terrible Plan Cóndor. Es en su memoria por lo que los invito a leer estas líneas que compuse para no olvidarla.

DÓNDE ESTÁN?

¿Era yo de Córdoba?

De Dili o Jakarta

De Concepción o Bogotá

Me llamaba

Me llamo Norma

Yo era Yo soy

Yo no soy más

                                                                                   Yo no sé

Yo no sé más

Raptada, desaparecida

con toda impunidad

Victima de un crimen

Casi perfecto

De lesa humanidad

No ser más que la sombra

De un crimen imprescriptible

Desaparecida en los cielos

De un vuelo de la muerte

Misterioso

Errante en este Palacio

De salas en salas

De Naciones en Naciones

En compañía de la diáspora

De esos rostros olvidados

Invisible entre vosotros

Pero presente a vuestro lado

Gracias a quienes están vivos

Por no olvidarme

 

En memoria de Norma Scopise

de Martine Anstett

del Embajador Kessedjian

   Louis Joinet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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